Philippe Bihouix : la croissance, si on changeait le paradigme industriel et économique ?

par | 10 Déc 2019 | Développement durable | 0 commentaires

Temps de lecture : 3 minutes

Sommes-nous en train de boucler un cycle commencĂ© au milieu du XIXĂšme siĂšcle oĂč l’innovation et la technologie devaient nous permettre de mieux vivre ? PĂ©riode oĂč l’on nous promettait que « Le bonheur Ă©tait pour demain ». C’est le titre du dernier ouvrage de Philippe Bihouix. Il Ă©tait prĂ©sent lors de la journĂ©e annuelle Au Coffre, voici sa confĂ©rence en vidĂ©o

Philippe Bihouix est ingĂ©nieur. Il aime donc les process techniques et l’innovation. Mais cela ne l’empĂȘche pas de rĂ©flĂ©chir Ă  la finalitĂ© du progrĂšs et de philosopher sur notre avenir commun. DĂ©jĂ  en 2014, il avait Ă©crit : « L’ñge des low tech, vers une civilisation techniquement soutenable.» (ed. Seuil).

Philippe Bihouix , bonheur était pour demain. ed. Seuil.dessin de couv par Bilh

La promesse technologique, c’est la corne d’abondance du monde moderne

Dans ces siĂšcles oĂč tout s’accĂ©lĂšre avec le progrĂšs technique, on ne peut que constater que cela va mieux pour les habitants de la Terre. Les progrĂšs mĂ©dicaux sont fantastiques et cela se traduit par une augmentation de la durĂ©e de vie pour les hommes et les femmes. On peut traverser la planĂšte en quelques heures quand il fallait 24 heures Ă  cheval pour aller d’une prĂ©fecture au point le plus Ă©loignĂ© d’un dĂ©partement. C’est d’ailleurs avec cette rĂ©fĂ©rence que NapolĂ©on a dĂ©coupĂ© le territoire. L’agriculture de son cĂŽtĂ© permet de nourrir une population multipliĂ©e par 4 ou 5. C’est un des principaux arguments des dĂ©fenseur de l’innovation technologique face aux « Cavaliers de l’Apocalypse » qui annonçaient la famine gĂ©nĂ©ralisĂ©e.

Les lanceurs d’alerte ne sont pas entendus

Les Cornucopiens sont donc ces futurologues qui estiment que le progrĂšs technologique permettra Ă  l’HumanitĂ© de subvenir Ă  ses besoins, quoi qu’il arrive. En face d’eux, ils ont ce qu’on appelle aujourd’hui des lanceurs d’alerte. On les trouve aussi dans la littĂ©rature. Par exemple quand Orwell Ă©crit en 1948 son roman « 1984 », il prĂ©vient du risque de dictature et de contrĂŽle des personnes par la technologie, Ă©lĂ©ments bien prĂ©sents au XXIĂšme siĂšcle. Snowden est un enfant d’Orwell.

Vive la technologie rĂ©paratrice !

C’est exactement le mĂȘme principe avec les annonces sur l’évolution du climat ou l’épuisement des ressources de la planĂšte. D’un cĂŽtĂ© les lanceurs d’alerte et de l’autre les Cornucopiens qui estiment que la technologie pourra rĂ©parer. On produit trop de CO2, il suffit d’inventer la machine pour le capturer. On va manquer de pĂ©trole ? Les techniques de prospection s’amĂ©liorent, on va trouver de nouvelles nappes
On est trop nombreux sur terre, envoyons tout le monde en orbite (projet de Jeff Bezos), on manque de minerais, il suffit d’attraper des astĂ©roĂŻdes et de les transformer en mines (5 start-up portent des projets de mines de l’espace).

Des promesses qui n’engagent que leurs auteurs

Philippe Bihouix : le bonheur était pour demain. ed. Seuil

Sauf que Philippe Bihouix aprĂšs avoir Ă©tudiĂ© l’évolution du progrĂšs technique, de ses dĂ©fenseurs et de ses pourfendeurs au fil des siĂšcles pense qu’il faut siffler la « fin de la rĂ©crĂ©ation ». Ndlr. Son ouvrage « le bonheur Ă©tait pour demain » est admirablement documentĂ© et illustrĂ© par des textes, livres et chroniques.

Il compare l’usage de la technologie et le comportement des ingĂ©nieurs Ă  un parcours Ă  bicyclette. Il semblerait qu’on craigne de ralentir, de s’arrĂȘter et donc de tomber. Sauf qu’aujourd’hui, on est poussĂ© non seulement Ă  ne pas s’arrĂȘter mais Ă  toujours accĂ©lĂ©rer. La courbe d’innovation est exponentielle. Et ça, ce n’est pas tenable selon lui. Il prĂ©conise donc de repositionner nos stratĂ©gies d’innovations pour ĂȘtre moins consommateur en matiĂšres premiĂšres et en Ă©nergie notamment.

Le retour de la vertu

En fait, Philippe Bihouix estime qu’il faut repenser nos fonctionnements avec une approche plus vertueuse. Il ne s’agit pas de vivre en « harmonie avec la nature » mais de la respecter. Il ne faut pas imaginer un monde idĂ©al pour tous. Cette promesse des utopistes n’est jamais tenue. On nous parle de la dĂ©mocratisation du transport aĂ©rien mais combien de milliards de personnes n’ont toujours pas pris l’avion par exemple. Donc on imagine mal que les projets d’exfiltration vers Mars ou la Lune seront pour tout le monde, cela sera limitĂ© Ă  quelques Ă©lites fortunĂ©es ou proches du pouvoir. Il s’agit bien de penser des solutions collectives, simples, sans doute « en proximité » plutĂŽt que de « vendre » des solutions qui permettront de continuer Ă  vivre toujours plus fort, plus vite
mais sans lendemain ?

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Faure, Jean-François
Jean-François Faure. PrĂ©sident d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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