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Officiellement, l’objectif de la « Belt and Road Initiative » (B&RI) est de promouvoir le développement économique et la connectivité interrégionale. En pratique, « la Ceinture, en particulier, promet un afflux massif de capitaux dans des projets d’infrastructure et d’investissement dans presque tous les États voisins qui bordent cette région problématique », comme le relèvent Stöferle et Valek (S&V). En retour, ce projet titanesque permet à la Chine de diversifier ses réserves financières tout en agissant comme un gigantesque plan de relance pour le secteur de la construction domestique, sur le mode du New Deal rooseveltien.

Le financement de la B&RI aura lieu de manière coopérative au travers d’institutions supranationales, parmi lesquelles on trouve :

  • La Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank – AIIB) créée en octobre 2014 à l’initiative de la Chine dans le but de concurrencer le FMI, la Banque mondiale et la Banque asiatique de développement. Charles Gave rappelle à son sujet que ce « nouveau FMI [est] contrôlé par la Chine […] et […] a offert des parts de capital à tous ceux qui voulaient souscrire (103 membres dont la Grande-Bretagne et l’Allemagne mais pas le Japon ou les Etats-Unis, qui ont refusé) […]. »
  • Le Fonds de la Route de la soie (New Silk Road Fund), un fonds souverain chinois créé en décembre 2014.
  • L’Organisation de coopération de Shanghai fondée en 2001 par la Russie, la Chine, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan. Cette organisation intergouvernementale géostratégique asiatique, au sein de laquelle ont été admises l’Inde et le Pakistan en 2017, prendra également part au projet.
  • Le Fonds pour l’or de la Route de la soie (Silk Road Gold Fund) et le Fonds pour le développement de l’industrie minière de la Route de la soie (« One Belt, One Road » Mining Industry Development Fund), qui sont deux entités chinoises.

Ainsi, chacun des projets qui seront développés dans le cadre de la B&RI seront l’œuvre de la coopération entre la Chine et d’autres pays. Comme le relèvent S&V, « Les Chinois recherchent toujours l’inclusion et la coopération avec d’autres pays. Cela n’est pas seulement dû au fait que la Chine n’a – jusqu’à présent – toujours pas le poids militaire, l’influence économique et la stabilité économique nécessaires pour soutenir ses efforts en solo. La recherche du consensus est plutôt une caractéristique fondamentale de la culture chinoise. »

Top 10 des pays par dépenses militaires en 2019 (en Mds$), et dépenses militaires américaines et chinoises en %age du PIB entre 2005 et 2019

Quelle place pour l’or dans le cadre de la « Belt and Road Initiative » ?

Si vous avez bien lu la liste des organismes qui financeront la B&RI, vous devez vous douter que l’or figurera au premier plan de ce projet. Comme le relèvent S&V, « Après tout, plusieurs des plus grands producteurs d’or se trouvent dans le « théâtre des opérations » de la B&RI ; et bien sûr, beaucoup de ces pays, dont les Philippines, le Kazakhstan, l’Indonésie et le « géant de l’or » qu’est la Russie, possèdent d’importants gisements et réserves jusqu’ici non exploités. »

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Réserves d’or des banques centrales, et réserves minières d’or des participants à la B&RI en tonnes, au T4/2018

Et les deux Autrichiens de poursuivre : « Les quatre plus grands producteurs d’or chinois – le China National Gold Group, Shandong Gold, le Zijin Mining Group et le Shandong Zhaojin Group – sont déjà actifs dans la région de la B&RI depuis un certain temps. Rien qu’en Afrique, leurs investissements sont passés d’une demi-douzaine de projets à 45 projets entre 2012 et 2015. En mai 2017, la plus grande société d’extraction d’or de Russie, Polyus Gold, a annoncé une joint-venture avec le China National Gold Group afin d’exploiter le plus grand gisement d’or russe, « Natalka ». Fu Xiao, responsable de la stratégie mondiale sur les matières premières de la Bank of China International, résume bien la situation : « Dans les pays et régions concernés par la B&RI, il existe d’énormes réserves d’or, qui représentent une grande partie des réserves mondiales… La Chine a déjà mis en place un certain nombre de projets et de joint-ventures dans ces régions. L’accent est actuellement mis sur l’exploitation minière, mais nous espérons qu’à l’avenir, une coopération plus approfondie se mettra en place dans les domaines de l’exploration, de l’exploitation minière, de la transformation et du commerce« . » Voilà de quoi booster le trading d’or au Shanghai Gold Exchange, n’est-ce pas ?

Résumons-nous.

Avec la « Belt and Road Initiative », la Chine défie les Etats-Unis à deux niveaux

Sur le plan géostratégique, comme nous l’avons vu la semaine passée, mais également sur le plan monétaire.

Tout d’abord, le projet de B&RI est un formidable vecteur de « dédollarisation » de l’Asie, mais également du reste du monde. Comme l’expliquent S&V : « Non seulement la Chine considère ces projets comme des investissements contribuant à diversifier son important portefeuille libellé en dollars, mais les accords commerciaux conclus ou à conclure avec ses partenaires africains et asiatiques sont bien sûr tous libellés en yuans. Dans une perspective à plus long terme, cela va compromettre la position dominante du dollar américain dans les pays concernés. »

La B&RI est également une opportunité exceptionnelle pour la Chine sur le plan du métal jaune. Les entreprises minières de l’Empire du Milieu, qui est déjà le premier producteur mondial d’or avec plus de 400 tonnes de métal jaune extraites chaque année de son sol depuis 2013, vont voir leur activité exploser. La production aurifère de certaines compagnies chinoises est d’ores et déjà plus importante à l’étranger qu’elle ne l’est sur le territoire national, et ce phénomène va être amené à s’accentuer.

Voici comment Zhang Yongtao, secrétaire général de la China Gold Association, résume la situation : « L’industrie aurifère commence déjà à coopérer dans le cadre de la B&RI. Mais il existe un réel potentiel de gains supplémentaires grâce à l’intégration en Chine et au développement à l’étranger. À cette fin, les entreprises d’État et les entreprises privées peuvent s’associer pour soutenir la B&RI, en recherchant des pays riches en or et en collaborant avec eux en vue de développer des exploitations minières et améliorer la production. L’industrie aurifère chinoise est déjà en position de force. Mais elle pourrait devenir encore plus forte. La croissance internationale […] aidera cette industrie à devenir un véritable leader mondial avec une influence sur le marché mondial. » (via S&V)

Difficile de faire plus clair, n’est-ce pas ?

Voilà pour la « Belt & Road initiative ».

Maintenant que nous avons (presque) toutes les pièces du puzzle de la stratégie chinoise de « dédollarisation », je vous laisse réfléchir à leur imbrication et je vous donne rendez-vous lundi prochain pour vous proposer mon interprétation des faits !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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