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Avec la libéralisation du marché chinois de l’or, de la politique de mise en valeur du minerai d’or présent dans le sol chinois et de la politique pour le moins opaque de la Banque populaire de Chine (PBoC) en matière d’achat d’or, nous avons passé en revue la plupart des wagons du train qu’à pris la Chine sur la voie de sa « dédollarisation ».

Il ne s’agit cependant-là que des actions mises en œuvre par Pékin dans le cadre de son territoire national. Or, pour que ces dernières prennent du relief, il me faut également vous parler de la politique menée par la Chine en dehors de ses frontières.

Aujourd’hui, je vais donc me pencher sur le projet de « Nouvelle route de la soie » (« Belt and Road Initiative »), en m’appuyant notamment sur le rapport In Gold We Trust 2019 de Ronald Stöeferle et Mark Valek (S&V).

Le projet de « Nouvelle route de la soie » (« Belt and Road Initiative »), ou quand tous les chemins mènent à Pékin

Dévoilé à l’automne 2013 par le gouvernement chinois, le projet de « Nouvelle route de la soie » n’est pas une route. Ou plutôt si, mais pas que ! Il s’agit en fait de la combinaison de 2 initiatives :

  • La « Nouvelle route [terrestre] de la soie », laquelle comprend 6 couloirs de développement ;
  • La « Route maritime de la soie pour le XXIe siècle ».

(Notez que cette carte fait également apparaître la « Route polaire de la soie ».)

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La « Nouvelle route [terrestre] de la soie » (en rouge), la « Route maritime de la soie pour le XXIe siècle » (en turquoise) et la « Route polaire de la soie » (en bleu)

D’où le fait que l’appellation de « Nouvelle route de la soie » ait laissé sa place à celle de « Belt and Road Initiative » (B&RI), que l’on pourrait traduire par le « Projet de la ceinture et la route ». Cette expression a le mérite de mettre en évidence qu’il s’agit-là d’un ensemble de liaisons à la fois ferroviaires (la « ceinture » rouge) et maritimes (la « route » turquoise). La première vise à relier la Chine à l’Europe par la terre via l’Asie centrale et le Moyen-Orient, quand la seconde a pour objectif de connecter la Chine à l’Afrique de l’Est et à la Méditerranée.

Au départ, c’était 68 pays qui devaient ainsi voir leurs relations commerciales facilitées et approfondies, ce qui représentait alors environ la moitié de la population mondiale et un tiers du PIB global. Aujourd’hui, ce sont plus de 100 Etats qui ont rejoint ce projet évolutif. Au centre du jeu figure bien entendu la Chine, ce géant dont il me semble l’occasion de rappeler qu’il ne se fait pas appeler « l’Empire du Milieu » (中国 – Zhong guo) pour rien. Sur les planisphères chinois, l’Europe et l’Amérique du Nord ne sont en effet que de lointaines périphéries du centre du monde : Pékin.

Le monde vu de Chine

A quoi sert la « Belt and Road Initiative » ?

Comme l’indique Charles Gave, « L’histoire de chaque empire est avant tout un exercice de construction de routes. Un empire construit des routes pour amener des marchandises à bas prix en son centre et pour faire sortir des produits finis à plus forte valeur ajoutée dans les coins les plus reculés de l’empire. C’est pourquoi, en Europe, on dit que « tous les chemins mènent à Rome ». » Avec la « Belt and Road Initiative », la Chine trace les routes de son futur « empire », ou plus exactement de sa future zone d’influence.

Ce chantier titanesque peut tout d’abord être envisagé comme un magnifique outil de propagande politique. « La plus vieille route commerciale du monde, celle reliant la Chine à l’Asie du Sud Est, à l’Europe et au Moyen-Orient est en train de renaître de ses cendres, trois siècles après qu’elle ait disparue, tuée par le transport maritime », écrivait Charles Gave en 2014. Avec ce projet dont l’achèvement est prévu pour 2049, le phénix chinois a pour ambition de retrouver les cimes de la scène internationale à l’occasion du 100ème anniversaire de la République populaire de Chine. Rappelons que le pays a historiquement dominé le commerce et l’économie mondiale, la domination occidentale du monde n’étant à ses yeux qu’une parenthèse ouverte il y a seulement deux siècles.

Distribution du PIB mondial (1 – 2017)

(N.B. : l’échelle des abscisses n’est pas régulière. La domination économique de la Chine et de l’Inde sur le monde a été bien plus longue qu’il n’y paraît à première vue sur ce graphique !)

Mais la B&RI revêt également (et surtout) une dimension géostratégique. Au travers de la construction d’infrastructures portuaires, ferroviaires et terrestres chez ses voisins proches et lointains, Pékin entend se préparer à d’éventuels conflits à venir, en particulier avec les Etats-Unis, très présents au Moyen Orient, en Asie centrale et en Asie du Sud-Est. En étendant son influence, la Chine contribue en effet à sécuriser son approvisionnement en matières premières : c’est aujourd’hui près de 80% des importations chinoises de pétrole brut qui transitent par cette zone. La Chine s’assure par ailleurs un accès à la haute mer qu’entravent aujourd’hui ses voisins coréens, japonais, philippins, malais et indonésiens.

La « ceinture terrestre » constitue ainsi le pendant de la stratégie du « collier de perles » (« String of Pearls »), c’est-à-dire « l’installation par la marine de guerre chinoise de points d’appui (les « perles ») le long de sa principale voie d’approvisionnement maritime vers le Moyen-Orient […] pour protéger ses intérêts commerciaux en mer de Chine méridionale, dans le golfe du Bengale, la mer d’Arabie et la mer Rouge. Du point de vue indien, il s’agit d’une manœuvre d’encerclement avec des ports au Pakistan, au Sri Lanka, au Bangladesh et en Birmanie », comme le résume Wikipédia.

Si Pékin se considère bien comme le centre du monde, il ne s’agit cependant pas pour la Chine de s’imposer en tant que tel par la contrainte. On est en effet à mille lieues du style imposé par les Etats-Unis d’avant Donald Trump, avec un aigle américain qui avait sa façon bien à lui d’exporter la démocratie dans les pays producteurs de pétrole.

« – Toc toc. – Qui est là ? – C’est la démocratie ! »

L’approche chinoise est beaucoup plus subtile, comme nous verrons lundi prochain…

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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