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La « confiscation » étatique de son or est le scénario de l’horreur pour l’épargnant en métaux précieux. Quelle crédibilité accorder à cette hypothèse ? Dans leur rapport In Gold We Trust 2021, Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek expliquent pourquoi ce risque est beaucoup moins élevé aujourd’hui qu’il ne l’était avant 1971…

Pourquoi le président Ford a-t-il à nouveau autorisé la détention d’or par le secteur privé ?

Rappel des épisodes précédents : après avoir interdit la détention privée d’or sur le sol américain par des mesures édictées en 1933 et en 1934, le gouvernement fédéral a « confisqué » l’or des Etats disposant d’excédants en dollars en 1971, avant d’autoriser à nouveau la détention d’or à titre privé sur le territoire américain en 1974.

Comment interpréter cette dernière décision ? Stöferle et Valek (S&V) nous proposent une clé de lecture dans le dernier rapport IGWT : « Une fois que l’or n’a officiellement plus été considéré comme de la monnaie, sa propriété privée a rapidement été légalisée en 1974. Le voyage entamé en 1933 avec la confiscation de l’or par FDR s’est finalement terminé 41 ans plus tard avec le retrait complet de l’or du système monétaire. »

Dit autrement, en 1974, le président Ford a entériné que la suspension « temporaire » de la convertibilité du dollar en or décidée par son prédécesseur le 15 août 1971 avait rendu l’or sans intérêt du point de vue de l’Etat.

Ceci posé, doit-on pour autant considérer que le risque de confiscation est moins élevé aujourd’hui qu’il ne l’était à l’époque où l’or jouait encore un rôle direct dans le système monétaire international ?

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Risque de confiscation : le cas particulier des Etats-Unis

Si le président Ford a abrogé l’executive order 6102 en 1974, rendant ainsi la possession d’or à nouveau légale, une disposition du Federal Reserve Act a cependant été maintenue. Et ce qui est gênant du point de vue l’épargnant américain, c’est qu’il s’agit de celle qui permettait au secrétaire au Trésor d’exiger des individus présents sur le sol américain qu’ils livrent leur or à l’Etat sur simple demande du Trésor en temps de guerre, comme je l’ai déjà évoqué.

S&V rappellent que ce droit est codifié dans la Publ. L 93-373 : « (c) Les dispositions des paragraphes (a) et (b) de cette section prendront effet soit le 31 décembre 1974, soit à tout moment avant la date à laquelle le Président constatera et fera savoir au Congrès que la réforme monétaire internationale aura progressé au point que l’élimination des réglementations relatives à la propriété privée de l’or n’affectera pas négativement la position monétaire internationale des États-Unis. »

Par ailleurs, ce texte « n’a pas abrogé la Gold Repeal Joint Resolution (1933), donc tous les contrats financiers qui spécifiaient l’or comme moyen de paiement restent hors la loi. Autrement dit, seuls les contrats utilisant l’or comme une marchandise, plutôt que comme une forme de monnaie, sont légaux », précisent les deux Autrichiens.

Voici ce que S&V concluent de ces éléments : « On peut donc soutenir que la Réserve fédérale dispose déjà d’une voie légale pour confisquer les avoirs aurifères privés, sans qu’un nouveau décret présidentiel ne soit nécessaire. La leçon de l’Histoire est qu’un gouvernement confisquera l’or privé s’il estime que cela sert ses intérêts, indépendamment de ce que dit la loi. »

Risque de confiscation : et dans le reste du monde ?

Les Etats-Unis sont bien sûr loin d’être le seul pays où l’or a fait l’objet de confiscations étatiques. S&V reviennent en particulier sur la forme qu’ont pris de telles restrictions dans l’Italie mussolinienne, l’Allemagne nazie, l’Australie de 1959 (lors de l’introduction du dollar australien en tant que devise flottante dans le système de Bretton Woods, et ce jusqu’en… 1971), la Grande-Bretagne de 1966 (suite à la panique du gouvernement après la dégringolade du cours de la livre, et ce jusqu’en… 1971), la Corée du Sud de 1977 (défaut de l’Etat sur ses prêts vis-à-vis du FMI) et l’Inde contemporaine.

Je ne reviendrai pas sur ces épisodes, si ce n’est pour dire au sujet de l’avant-dernier d’entre eux qu’il s’est agi d’une confiscation volontaire, au sens où la campagne coréenne de collecte d’or a joué sur la fierté nationale en invitant les citoyens à aider l’Etat à rembourser sa dette étrangère. Comme le rappellent S&V, les résultats ont été « stupéfiants » : 230 tonnes d’or ont été livrées au gouvernement ! « Étrangement, un programme basé sur des dons volontaires peut permettre de récolter plus d’or qu’un programme basé sur la coercition gouvernementale », relèvent S&V. Certes, mais il s’agit à l’évidence d’une question de culture nationale et de légitimité de l’Etat. On notera enfin que la campagne italienne de collecte d’or sous Mussolini était elle aussi formulée sur la base du volontariat… modulo les risques que les Italiens courraient à ne pas se porter volontaires d’office sous l’Italie fasciste !

Pour ce qui est du cas de la France, qui n’est pas évoquée dans ce rapport, je vous renvoie à mon bouquin.

S&V concluent de tous ces récits que « Le motif [pattern] de confiscation de l’or dans le monde est clair : lorsqu’un gouvernement se trouve en situation de crise monétaire, il tente de confisquer la richesse privée. Les traditions de longue date et les limitations constitutionnelles offrent peu de protection contre de telles actions d’urgence. La confiscation de l’or par les gouvernements est omniprésente dans l’Histoire, en particulier lorsque l’or représente la plus grande réserve de richesse privée. […]

La menace est d’autant plus grande que l’ambition de dépense publique est élevée, par exemple pour mener une guerre ou un programme « progressiste ». Or les guerres et les périodes de prodigalité budgétaire sont justement les conditions précises dans lesquelles vous voulez posséder de l’or. Ceux qui spéculent sur l’or savent que les confiscations étatiques sont les meilleures occasions d’appréciation massive des prix

Mais peut-on mettre les exemples de confiscation étatique intervenus avant 1971 sur le même plan que l’hypothèse d’une confiscation qui interviendrait à notre époque ?

Risque de confiscation : « Le système actuel de monnaie fiduciaire rend votre or plus sûr »

Aujourd’hui, l’attitude des gouvernements sur le plan budgétaire favorise une menace de réquisition élevée, et ce au niveau mondial. « La prodigalité budgétaire de la décennie actuelle semble sans précédent, avec un assouplissement quantitatif coordonné au niveau des banques centrales et de nombreux pays du G7 promettant à leurs citoyens de l’helicopter money grâce à la magie de la MMT. Le désir des politiciens de s’emparer des richesses privées est à nouveau en hausse », jugent S&V.

Cependant, cette situation est atténuée par ce qu’est devenu le système monétaire suite au Nixon shock. Pour S&V, les choses sont assez claires : « Le fait que l’or ne soit plus aujourd’hui considéré comme une monnaie par les gouvernements est, dans l’histoire millénaire de l’or, la plus grande différence avec les époques précédentes. Tous les épisodes historiques de confiscation de l’or se sont produits alors que des gouvernements voulaient désespérément se procurer de la monnaie et ont donc confisqué l’or [privé] afin d’y parvenir. Aujourd’hui, les gouvernements et les banques centrales ne sont pas fortement incités à confisquer l’or, car ce métal n’est pas considéré comme de la monnaie ou comme faisant partie du système monétaire fiduciaire. » 

D’ailleurs, « Comme l’or ne représente plus que 1% de la richesse mondiale, c’est sur d’autres terres que les gouvernements et les autorités monétaires cherchent à s’emparer des richesses. »

Enfin, « l’or était officiellement la monnaie en 1933, mais surtout, les gens considéraient à l’époque l’or comme une monnaie informelle : l’or était la monnaie et la monnaie était l’or. Aujourd’hui, l’or n’est pas légalement une forme de monnaie, et il n’est pas non plus considéré comme une monnaie de manière informelle par la plupart des gens, ni par les autorités monétaires. La volonté de saisir l’or privé s’en trouve donc fortement réduite. »

S&V font ici référence aux pays occidentaux car le lien plurimillénaire entre l’or et la monnaie demeure très tangible en Chine, en Inde, en Russie, en Turquie, en Iran et dans d’autres pays d’Asie. C’est « justement dans ces pays que les restrictions les plus sévères sont imposées à la propriété et à la convertibilité de l’or », relèvent-ils. On peut en déduire que c’est dans ces pays que le risque de de confiscation étatique est le plus élevé.

Attention, cela n’exclut pas que l’or fasse un jour l’objet de nouvelles restrictions étatiques dans nos économies.

A notre époque, comment les Etats occidentaux sont-ils susceptibles de « confisquer » l’or privé ?

Comme le relèvent S&V, certains imaginent « Une taxation de l’or et des actifs aurifères par le biais d’un régime de TVA » qui viserait à augmenter les recettes budgétaires. Il ne s’agit cependant pas selon eux d’une hypothèse très plausible du fait que « Le simple effort organisationnel requis pour mettre en œuvre un régime de TVA la rend improbable. Au surplus, il est difficile d’appliquer un barème de « valeur ajoutée » des lingots d’or aux pièces d’or. »

Les deux Autrichiens misent plutôt sur « l’introduction d’une taxe sur les bénéfices exceptionnels en cas de flambée du prix de l’or ». Si j’interprète bien ce qu’écrivent S&V, une telle taxe ne serait selon eux pas ciblée sur l’or mais aurait une portée générale. « De nouvelles taxes sur les transactions en or sont peu probables à court terme », estiment-ils.

S&V en arrivent ensuite à leur scénario central : « une « annulation » du cours de l’or sur le marché libre ». En pratique, « Si le prix de l’or par rapport au dollar américain ou à l’euro augmente de façon spectaculaire, les responsables gouvernementaux et les banquiers centraux pourraient chercher à stopper la hausse des cours et à fixer un plafond. Une hausse du prix de l’or exprimerait [en effet] un manque de confiance dans le dollar américain ou l’euro, et les gouvernements et les banques centrales y verraient une menace aiguë vis-à-vis du système monétaire. »

Un tel scénario ne leur semble « pas totalement impossible » puisque « Les banques centrales fixent régulièrement des plafonds et des planchers pour leurs devises, leurs taux d’intérêt ainsi que pour le prix de leurs obligations et de leurs actions. Il ne serait donc pas extraordinaire qu’elles déclarent un plafond pour le prix de l’or. »

Quels produits aurifères seraient concernés ? Pour S&V, « Les ETF sur l’or ou les contrats à terme sur l’or seraient les premières cibles évidentes sur lesquelles le gouvernement pourrait fixer un plafond, avant peut-être de tenter d’éliminer le mécanisme de découverte des prix sur le marché de l’or. L’objectif de la fixation du prix ne serait pas de confisquer l’or au profit du Trésor public, comme nous l’avons constaté au fil de l’Histoire. Cette suppression du mécanisme de découverte des prix servirait plutôt à renforcer la confiance dans le système fiduciaire en éliminant un concurrent. »

Ce serait alors une occasion de plus de constater avec Mark Twain que « L’Histoire ne se répète pas, elle rime »

Que retenir de tout cela pour vos investissements ?

Voici le dernier paragraphe que S&V consacrent à ce sujet : « La confiscation de l’or est une crainte palpable pour tous les investisseurs en or.  Au regard des normes historiques, ce risque est moins élevé aujourd’hui. L’or n’est plus la cible principale des vols des rois, des empereurs et des politiciens, car il n’est plus la plus grande réserve de richesse. »

Mais alors, comment nos Etats occidentaux sont-ils susceptibles de nous spolier en cas de débandade publique ?

Pour S&V, la réponse est évidente : « Aujourd’hui, le marché obligataire est la principale réserve de richesse, et c’est là que la confiscation de la richesse a le plus de chances de se produire.

Dormez tranquillement, le rapport entre les bénéfices et les risques n’a jamais été aussi fort avantageux les propriétaires d’or. »

Voilà, il me semble que nous avons fait le tour de la question du risque de confiscation étatique de l’or privé. Je vous quitterai sur cette citation du président américain qui a précédé FDR : « Nous avons de l’or parce que nous ne pouvons pas faire confiance aux gouvernements » (Herbert Hoover).

A lundi !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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