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La « confiscation » étatique de son or est le scénario de l’horreur pour l’épargnant en métaux précieux. Dans leur rapport In Gold We Trust 2021, Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek concentrent leur analyse sur les Etats-Unis. Aujourd’hui, je vous raconte quelles conséquences l’executive order 6102 du président Roosevelt a eues du point de vue de l’épargnant américain.

La Grande dépression et l’executive order de Roosevelt

Dans mon livre, j’ai appelé cet épisode « Le traumatisme historique : la réquisition de l’or des Américains par le président Roosevelt en 1933 ». Voici ce que j’en disais :

« L’événement historique le plus traumatisant pour les investisseurs en métaux précieux fut sans doute la « confiscation » de l’or des Américains par le président Franklin Delano Roosevelt via l’ordonnance présidentielle (executive order) 6102 du 5 avril 1933. Ce texte rendit illégale la détention d’or par les particuliers à compter du 1er mai 1933. Les contrevenants s’exposaient à « une amende maximale de 10 000 $ et […] une peine d’emprisonnement de 10 ans au plus, ou les deux ». Michel Prieur rappelle que seuls les bijoutiers, les dentistes et les collectionneurs ne furent pas concernés par cette décision.

J’ai pu constater à la lecture du rapport In Gold We Trust 2021 de Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) que tout ceci est exact, mais manque cruellement de mise en perspective. Et pour cause : sans ce passage en forcede Roosevelt,  le dollar ne serait peut-être pas devenu la monnaie de réserve mondiale – rien que ça ! Je profite donc de cet article pour compléter ce que j’écrivais en 2013.

Executive order 6102 de FDR du 5 avril 1933 : le point de vue de Stöferle Valek

Dans le récit qu’ils font du XXe siècle américain, S&V commencent par relever que les Etats-Unis n’ont pas à nouveau suspendu la convertibilité or de leur devise lors de la Première Guerre mondiale, comme l’ont fait la plupart des belligérants. Au contraire, « la Réserve fédérale nouvellement créée a attiré de grandes quantités d’or européen en recherche d’un refuge sûr. »

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Quinze ans après la Grande Guerre, la situation n’était cependant plus la même. Aux Roaring Twenties succède la Grande Dépression, et Franklin Delano Roosevelt arrive aux manettes avec la ferme intention de traiter la crise économique à grand renfort d’interventionnisme étatique.

L’une des premières mesures de FDR dans le cadre de son New Deal consiste à restaurer la confiance dans le système bancaire américain qui était exposé à des faillites en chaîne du fait des bank runs. La stratégie du nouveau président consiste à imposer la fermeture des banques insolvables pendant une durée d’une semaine, dans le but d’évaluer leur solvabilité, les réorganiser et les renflouer avant d’en rouvrir un maximum. L’Emergency Banking Relief Act, ratifié le 9 mars 1933, permet de mettre en œuvre ce « Bank Holiday ».

Le système bancaire ainsi consolidé, il s’agit alors pour FDR de trouver de l’argent sonnant et trébuchant afin de « financer son programme progressiste et acheter la sortie de la Grande Dépression à grands coups de dépenses budgétaires », comme le rappellent S&V.

A l’époque, « 30% de toute la richesse des Etats-Unis était détenue sous forme d’or », soit 1530 tonnes (contre environ 1% aujourd’hui), selon Jeffrey Christian. C’est donc tout naturellement que les yeux du gouvernement se tournent vers le métal détenu par la population.

Le 5 avril 1933, FDR « émis une ordonnance apparemment anodine dans laquelle il proposait d’acheter l’or privé à sa juste valeur marchande de 20,67 USD/once. » Il s’agit cependant du genre d’offre que l’on ne peut pas refuser puisque ce texte « obligeait les citoyens à livrer leur or sous peine d’emprisonnement », comme le rappellent S&V.

Notez que FDR n’a donc pas « confisqué » l’or privé, pas plus qu’il n’a suspendu la convertibilité du dollar – en tout cas pas jusque-là. Il a simplement réquisitionné l’or des ménages et des entreprises présentes sur le territoire américain en les dédommageant à ce qui était (à l’époque) le prix officiel de l’or.

Comme le détaillent S&V, « Toute personne vivant aux États-Unis, qu’il s’agisse d’un citoyen ou d’un étranger, était tenue de remettre au gouvernement tous ses lingots d’or, pièces d’or [NDLR : à l’exception de certains bijoux et pièces de collection] et certificats d’or avant le 1er mai 1933, avec l’autorisation pour toute personne de conserver jusqu’à 100 USD en pièces d’or, ce qui, au prix de 20,67 USD/once, représentait à l’époque près de 5 onces. Il en allait de même pour les entreprises et les sociétés. »

Cette règle a-t-elle été respectée ? Oui et non. Comme l’indiquent S&V, « on estime que seuls 30 à 50 % des lingots et pièces d’or ont été livrés [aux autorités publiques]. »

Et ceux qui se sont soumis à l’injonction de FDR y ont laissé des plumes…

Le Gold Reserve Act du 30 janvier 1934, où comment FDR est devenu maître du destin de l’or présent sur le sol américain

Une fois cette manne regroupée dans les coffres de la Fed, comment procéder pour qu’elle permette de financer les grands desseins budgétaires rooseveltiens ? Tout simplement en procédant non pas à une simple réquisition, mais à une confiscation en bonne et due forme.

Voici comment S&V racontent cet épisode : « Le 30 janvier 1934, soit environ huit mois [après l’executive order 6102], FDR a signé le Gold Reserve Act. Cette loi exigeait que tout l’or détenu par la Réserve fédérale [or physique et certificats d’or] soit remis au Trésor américain. Il s’agit en fait d’une confiscation opérée sur une branche non politique du gouvernement, la Réserve fédérale, par une branche exécutive politique, le Trésor américain. » En outre, « cette loi a également interdit au Trésor et aux institutions financières de racheter des dollars contre de l’or », comme on peut le lire ici.

Comment FDR a-t-il justifié cette mesure ? Comme le rappellent S&V, « Son excuse pour un acte aussi effronté fut la suivante : « Puisqu’il n’y avait pas assez d’or pour payer tous les détenteurs d’obligations en or… le gouvernement devait, dans l’intérêt de la justice, permettre qu’aucun d’entre eux ne soit payé en or« . Et désormais, toutes les clauses relatives à l’or dans les contrats financiers étaient suspendues. » (Si vous avez une impression de déjà vu, c’est normal : le président Nixon a procédé avec la même logique le 15 août 1971.)

En somme, « Avec le Gold Reserve Act, FDR a obtenu le contrôle total de tous les actifs en or des États-Unis et pouvait utiliser cet or pour ses projets de dépenses budgétaires », comme l’écrivent S&V.

Dévaluation du dollar : le jour où la réquisition de l’or s’est transformée en confiscation (du pouvoir d’achat)

Outre les points déjà évoqués, le Gold Reserve Act 30 janvier 1934 autorisait le président à établir la valeur en or du dollar par décret. Immédiatement après l’adoption de la loi, FDR a décidé que le prix légal de l’or ne serait plus de 20,67 $ l’once mais de 35 $, soit une hausse de presque 70% (et une dévaluation du dollar par rapport à l’or de près de 41%).

Qui a profité de cette manœuvre présidentielle ? Comme le résument S&V, « Ceux qui avaient conservé leur or se sont enrichis comme des bandits grâce à ce décret, le gouvernement américain étant le plus grand gagnant d’entre eux. […] En outre, de nombreux propriétaires étrangers d’or ont saisi l’opportunité de réaliser des bénéfices exceptionnels et ont converti leurs avoirs en or en biens américains. »

J’en profite pour rappeler que comme l’a écrit Ludwig von Mises, « L’étalon-or ne s’est pas effondré. Les gouvernements l’ont aboli afin d’ouvrir la voie à l’inflation… »

C’est ainsi qu’une démocratie telle que les Etats-Unis a suspendu le droit de propriété de sa population vis-à-vis du métal jaune. Voilà de quoi donner quelques frissons dans le dos, n’est-ce pas ?

La semaine prochaine, nous verrons comment les choses se sont passées pour ceux qui ont osé élever la voix afin de défendre leurs droits constitutionnels.

A lundi !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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