Publicité

Cinquième volet de notre dossier « Or vs Bitcoin. » Outre la rareté, la valeur intrinsèque et le potentiel de gain, il est un autre aspect crucial pour comparer l’or et le bitcoin : la résilience. L’or est au cœur de notre ordre monétaire depuis des millénaires. Parlera-t-on encore du bitcoin ne serait-ce que dans 100 ans ?

Avant de reprendre les hostilités, je vous propose de jeter un œil à la table de marque. Le bitcoin mène 2 sets à 1 face à l’or : il n’a pas de valeur intrinsèque (bitcoin le token, pas Bitcoin le réseau) mais sa rareté est définitive et son potentiel de gain s’est jusqu’à présent révélé beaucoup plus élevé que celui de l’or.

Le match est cependant loin d’être terminé.

Résilience : l’or est universellement reconnu pour ses qualités depuis des millénaires, alors que bitcoin n’a que 12 ans au compteur

Est-il nécessaire de développer ce point, évident à première vue ? Oui, et pas qu’un peu !

Permettant aux sociétés de sortir de l’économie de troc, la monnaie a d’abord pris la forme de sel, de nacre, de pierres et d’autres coquillages travaillés, avant que le recours aux métaux précieux ne se généralise à l’échelle du globe. Ces différentes monnaies se distinguaient par leur valeur intrinsèque reconnue et acceptée par chaque utilisateur.

Publicité

Puis, l’Histoire avançant et les sociétés se complexifiant, ont émergé les gouvernements et avec eux la monnaie papier. C’est à Kubilai Khan, petit-fils de Gengis Khan et futur fondateur de la dynastie Yuan, que l’on doit l’introduction en 1260 de la première véritable fiat money de l’Histoire, avec la mise en circulation du Zhongtong chao, des billets imprimés sur un papier fabriqué à base d’écorce de mûrier. Leur mise en circulation s’est accompagnée de la démonétisation des traditionnelles pièces de cuivre à la base du système monétaire chinois. Cette monnaie fiduciaire, politique, fut acceptée par la population par le simple fait que les pouvoirs publics en avaient décidé ainsi et, n’ayant aucune contrepartie, sa valeur reposait uniquement sur la confiance que les agents économiques lui accordaient (en latin, fiducia signifie « confiance », et fiat veut dire « qu’il soit fait »).

Nos euros fonctionnent sur le même principe : dépendants des décisions des autorités politico-monétaires, leur valeur est susceptible de s’effondrer, ruinant au passage des populations entières. L’Histoire regorge à tel point d’exemples illustrant ce processus que l’on parle de « Loi d’airain de la monnaie » : « Une monnaie-papier, basée sur la seule confiance dans le gouvernement qui l’imprime, finit toujours par retourner à sa valeur intrinsèque, c’est-à-dire zéro », écrit Voltaire.

Bien sûr, ce passage de la monnaie « matière première » à la monnaie « politique » ne s’est pas produit en tous lieux par un remplacement sans transition. Souvent, il y a eu superposition : la monnaie papier fut d’abord convertible en métal précieux avant que la convertibilité ne soit finalement supprimée. Vous avez sûrement en tête les différents systèmes d’étalon-or qui ont rythmé la vie économique et financière des années 1870 (système mono-métallique britannique du gold standard) à 1976 (accords de la Jamaïque qui reconnaissent de jure la flottabilité des devises), en passant par la fin de la convertibilité du dollar en or annoncée unilatéralement par le Président Nixon le 15 août 1971.

Le 3 janvier 2009, deux ans et demi après la fin du quantitative easing japonais de 2001-2006 qui a été le premier d’une longue série (toujours en cours) à l’échelle mondiale, une rupture radicale est intervenue. Une véritable disruption monétaire, pour employer un terme à la mode. Dans un monde où règnent en maîtres les monnaies étatiques émises à volonté par des autorités politico-monétaires qui ne s’en privent pas, un type de monnaie révolutionnaire a émergé d’Internet.

Cette monnaie, née dans l’esprit d’un individu prétendument japonais et répondant au pseudonyme de Satoshi Nakamoto, c’est le bitcoin, la première monnaie qui repose sur les mathématiques, ou plus précisément sur l’informatique (de l’anglais « bit » : unité d’information binaire et « coin » : pièce de monnaie).

Si je me suis permis de prendre le temps de quelques paragraphes pour résumer l’histoire de la monnaie, c’est parce que la longévité historique a son importance. L’or occupe une place prépondérante au niveau de l’organisation des finances publiques et privées de l’Homme depuis l’Empire d’Akkad. Bitcoin s’est certes reconstitué de ses cendres à chaque fois que l’on a annoncé sa mort (à l’instar de l’or), mais il n’en reste pas moins qu’il n’a que 12 années au compteur.

Or comme l’a montré Nassim Taleb, les choses qui ont duré longtemps survivent dans la plupart des cas aux choses qui émergent. L’or est en ce sens « robuste », pour reprendre la terminologie talebienne. Dans 20 ans, votre or aura encore de la valeur. Il est possible qu’il en aille de même de vos bitcoins, mais c’est beaucoup plus incertain.

17 février 2021 : « Je ne dis pas que le BTC ne fonctionnera pas. Je dis qu’il faut une certaine HUBRIS pour tirer TRÈS RAPIDEMENT un trait un actif considéré comme la monnaie pendant 5 000 ans, avec des utilisations en tant que matière première, et détenu par des banques centrales. Le BTC a 10 ans. On peut être optimiste et humble. Traiter les goldbugs d' »idiots » ? C’est tenter le destin. »

La question de la résilience nous amène tout droit à un autre aspect du sujet.

L’or n’a que des demi-challengers. Peut-on en dire autant du bitcoin ?

La plupart des actifs tangibles sont perçus par le grand public comme des alternatives à l’or au motif qu’ils sont « en dehors de la monnaie ». J’ai consacré une huitaine de pages de mon bouquin à comparer l’or aux classes d’actifs avec lesquelles le métal jaune a pour point commun de n’être la dette de personne : bijoux, diamants, œuvres d’art, grands crus viticoles, bois et forêts, autres matières premières, autres métaux précieux, dont en particulier l’argent. L’or se distingue de chacune de ces classes d’actifs par de nombreux aspects. Avec une antériorité qui se compte en millénaires, « Il apparaît donc improbable que l’or soit supplanté par un adversaire qui lui serait supérieur », comme l’écrivent Stöeferle et Valek (S&V).

Au contraire, si la mère des cryptoactifs a toujours conservé l’ascendant sur ces rejetons, à la grande satisfaction des bitcoin maximalists

… on est en droit de se demander, 12 ans seulement après l’avènement de ce marché, si le bitcoin ne rejoindra pas un jour le cimetière des cryptoactifs, dépassé par l’un de ses concurrents.

En mars 2018, dans la 2ème édition de l’Incrementum Crypto Research Report, Demelza Kelso Hays et S&V craignaient que Bitcoin ne soit un jour dépassé par une technologie encore meilleure, par exemple une « technologie post-blockchain, comme celle de Hashgraph ou IOTA […] qui promettent de résoudre le problème de scalabilité du bitcoin ». La récompense de la création d’une cryptomonnaie qui serait meilleure que le bitcoin est à ce point astronomique que « les esprits les plus brillants de la planète travaillent à l’élaboration d’une meilleure blockchain », faisaient-ils remarquer.

Au mois de janvier 2021, Ray Dalio donnait son avis exhaustif sur Bitcoin. C’est en particulier cet aspect qui l’inquiétait : « Puisque le fonctionnement de Bitcoin est fixé, figé, il ne pourra pas évoluer et je suppose qu’une meilleure alternative sera inventée et mise en œuvre. Je vois cela comme un risque. Voilà pourquoi l’argument de «l’offre limitée» n’est pas aussi vrai qu’il y paraît. Par exemple, même si les téléphones BlackBerry existaient en quantité limitée, ils ne vaudraient toujours pas grand-chose puisqu’ils ont été remplacés par des concurrents plus évolués. Je ne sais toujours pas pourquoi les fans de Bitcoin ne prennent pas en compte ce risque […] », écrit le fondateur du hedge fund Bridgewater Associates.

Bref, l’or écrase tous ses challengers depuis des millénaires. Peut-être cela sera-t-il également le cas du bitcoin, mais on ne dispose encore que très peu de recul pour s’en convaincre.

Un point pour l’or, donc, et nous revoilà à égalité à 2-2.

Voilà qui clôt l’analyse des avantages de l’or et du bitcoin. La semaine prochaine, nous trancherons ce match serré en nous penchant sur les risques auxquels on s’expose en détenant ces deux actifs !

A lundi !

Article précédentQuelles sont les différences entre l’investissement et le trading ?
Article suivantLe spectre de l’augmentation des taux d’intérêt fait baisser l’or
Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

LAISSER UN COMMENTAIRE

Veuillez entrer votre commentaire !
Veuillez entrer votre nom ici