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Prise en tenailles entre élitisme et populisme, la classe moyenne n’a souvent pas d’autre choix que de s’exiler pour survivre.

On pourrait croire qu’en 2017, on a depuis longtemps dépassé cette fameuse lutte des classes qui fit les beaux jours des révolutions idéologiques des deux cents dernières années. Et pourtant, il n’en est rien : la France continue d’entretenir amoureusement, religieusement même, son système de castes sociales dont les garants ne sont plus aujourd’hui le clergé ou la force brute, mais plutôt la politique et l’économie.

Une autre fausse idée consisterait à croire que seuls les puissants ont intérêt à maintenir cette espèce de statu quo social qui les place systématiquement au sommet de la pyramide. Car, paradoxalement, ceux qui en constituent la base restent persuadés eux-aussi que c’est le meilleur système qui existe.

Une aristocratie d’État qui ne dit pas son nom

En France, si vous êtes riche et bien né (c’est-à-dire dans une famille qui a su s’imposer de longue date dans les plus hautes sphères de la société), vous êtes généralement – presque naturellement, dirons-nous – appelé à présider aux grandes destinées du pays. Homme ou femme politique, mais aussi grand capitaine d’industrie, votre destin rejoint souvent celui du pays et bien rares sont ceux de votre rang qu’on retrouvera en train de tourner des boulons à l’usine, ou d’élever des brebis dans les Pyrénées.

C’est vous que l’on élira aux plus hautes fonctions de l’État, c’est vous qui serez chargé de dire à 67 millions de personnes ce qui est bon pour elles, c’est vous enfin qui serez choisi (démocratiquement, donc rien à dire) pour parler au nom du peuple français. Même si vous ne partagez en réalité qu’un très faible pourcentage du patrimoine socio-génétique de l’écrasante majorité de ceux que vous êtes censé représenter.

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Même ceux qui prétendent défendre les intérêts d’un obscur peuple « insoumis » n’ont en réalité rien de commun avec ceux dont ils se permettent de dicter la pensée. Millionnaires, transfuges de partis politiques au sein desquels ils n’avaient pas la place qu’ils pensaient mériter, hommes (ou femmes) d’affaires, rentiers, voilà le profil de ces quelques arrivistes qui ont simplement trouvé dans la défense des « petites gens » un nouveau débouché professionnel.

Une France qui aime ses pauvres

À l’autre bout du spectre social, on trouve les pauvres, qu’on appelle plutôt aujourd’hui les « foyers modestes« , dans ce souci constant de souscrire au politiquement correct à grands coups d’euphémismes et de novlangue. Si vous faites partie de cette catégorie, alors vous êtes, là encore naturellement, appelé à être soutenu, épaulé, orienté (d’aucuns diraient aussi « assisté« ) par cette même élite qui va tout faire pour vous aider à mieux vivre votre situation…

Mais attention, sans jamais vraiment vous permettre d’en sortir. Car la France aime ses pauvres, elle les soigne (dans le sens où elle en prend soin) mais elle ne les guérit pas. Car pour continuer à se sentir privilégiée, puissante et cultivée, l’élite du pays a besoin que le peuple reste défavorisé, en galère et mal éduqué.

Néanmoins, il arrive parfois que cette même élite permette à quelques uns de ces Français d’en-bas de prendre l’ascenseur social pour s’élever dans les strates. Bon, pas l’ascenseur des VIP non plus, n’exagérons rien, juste l’ascenseur de service, celui dans lequel on vous colle un ballon entre les pattes ou encore un micro branché sur auto-tune et une mini-jupe bien trop courte pour que vous puissiez vous permettre de négliger votre épilation un jour sur deux.

Ça distrait le peuple tout en lui donnant l’illusion que, lui aussi, il peut rêver de sommets. Et ça offre aussi un peu de nouveauté à l’élite qui s’amuse à y piocher des candidats pour ses jeux du cirque (télévisés pour la plupart), ses bacchanales dont tout le monde sait tout mais dont personne ne dit rien, ou tout simplement ses fameux « dîners de cons » popularisés au cinéma par Francis Veber en 1998 (oui, oui, ils existent bel et bien).

Indispensable et honnie : la classe moyenne

L’ennui c’est qu’entre ces deux extrêmes il existe une troisième catégorie, celle que l’on nomme aujourd’hui la classe moyenne et qu’on appelait autrefois la « bourgeoisie » (de ceux qui vivent dans les bourgs, les « gens de la ville« ). Et cette classe moyenne est détestée par les deux autres. Oui, exactement comme avant la Révolution française de 1789, rien n’a changé.

En fait, le seul rôle qu’on veut bien lui concéder c’est d’être la force motrice de l’économie, à travers les activités qu’elle exerce en général, telles que le commerce, l’artisanat ou encore les services et l’industrie, que ce soit au rang de salarié comme à celui d’entrepreneur. Et de la même façon, le seul privilège que personne ne souhaite lui disputer, c’est bien celui… de payer des impôts ! Impôts sur le revenu, impôts fonciers, impôts sur les sociétés, taxes sur le patrimoine, taxes sur l’épargne, taxes sur la valeur ajoutée, taxes sur les successions, taxes sur les bénéfices, taxes sur les taxes, surtaxes, etc.

Or, l’histoire se répète. Un pays qui méprise une partie de ses citoyens s’expose à un risque de révolte à plus ou moins court terme. Révolte brutale parfois, que l’on appelle insurrection ou révolution selon le côté duquel on se trouve. Ou révolte plus feutrée, plus sournoise aussi, qui consiste à s’exiler peu à peu, plongeant le pays dans une situation inextricable dans laquelle l’élite se retrouve finalement à rendre des comptes directement à son peuple, sans plus pouvoir compter sur l’amortisseur social d’une classe moyenne qui prenait jusqu’alors les coups à sa place.

Ces Français moyens contraints de fuir une nation ingrate

Et c’est exactement ce qui est en train de se passer, en dépit des efforts déployés par les gouvernements successifs depuis quinze ans pour enrayer le désinvestissement progressif de ces français moyens qui en ont assez de jouer les vaches à lait d’une nation ingrate.

Ainsi, dépossédés de la plupart des droits naturels sur leurs biens au nom d’une solidarité qu’ils sont seuls à assumer, les propriétaires ne louent plus, il vendent, faisant du même coup chuter les prix de l’immobilier. Asphyxiés par une fiscalité et une réglementation toujours plus centrée sur eux, ils délocalisent aussi, dès qu’ils le peuvent. Leur activité souvent, mais aussi parfois une partie de leur patrimoine, de leurs investissements. Quand ils ne choisissent pas tout simplement de partir pour de bon, physiquement, définitivement.

Près de 3 millions de Français ont ainsi fait ce choix, certains en abandonnant carrément leur nationalité d’origine. Ce qui les fait d’ailleurs sortir des statistiques du Ministères des affaires étrangères qui ne voit « que » 1,8 millions de Français expatriés (forcément, les autres ne sont plus Français). Et ce nombre augmente de 2% chaque année. Même les plus jeunes qui ont un peu d’ambition ne sont pas en reste, car ils savent que les prochains à payer, ce seront eux. Aujourd’hui, un quart des diplômés de l’enseignement supérieur quittent la France pour partir vivre à l’étranger.

Un pays qui se paupérise

Au final, à l’instar de ces villes qui voient leur centre se paupériser et l’insécurité grimper à mesure que la classe moyenne déserte les lieux pour aller vivre un peu plus loin, à la campagne, là où la pression fiscale est moins forte notamment, la France est en train de perdre ses forces vives, celles qui assurent sa cohésion sociale en créant des emplois et en générant de la richesse.

Ne reste plus qu’un peuple désemparé face à des rois qui apparaissent bien nus, tout à coup.

C’est comme ça qu’un pays fait peu à peu le lit des extrémismes de tout poil. Et s’il reste encore quelques journalistes à s’étonner de la montée des populismes en Europe, les observateurs un peu avisés ont depuis longtemps compris que ce mécanisme ne doit rien au hasard.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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