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Évaluer le montant de l’épargne en or des Français relève de la quête du Graal !

La discrétion légendaire qui caractérise le détenteur d’or, la perméabilité des frontières, y compris dans les périodes de contrôle des changes et l’absence de données officielles dans de nombreux domaines, sont des obstacles majeurs à une étude sérieuse permettant d’approcher de la réalité, même si celle-ci, malgré tous les efforts, ne sera toujours qu’approximative.

Malgré tous ces obstacles, cette communication, à défaut de chercher à répondre de façon complète et précise, propose d’évaluer le montant maximum que l’épargne en monnaies d’or françaises pourrait éventuellement atteindre eu égard aux aléas documentés qui ont frappé les monnaies au fil des années.

Deux approches différentes sont proposées. L’une est construite sur une démarche statistique, l’autre sur le recensement des pertes ayant entraîné l’attrition progressive du stock de monnaies d’or françaises.

Le résultat final obtenu en confrontant les différents résultats de ces deux approches permet d’établir que le volume de monnaies d’or françaises ne dépasse pas 800 tonnes, soit seulement 20 % de l’ensemble des émissions réalisées depuis 1803.

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Dans une enquête restituée ici en quatre parties, nous vous proposons un regard inédit sur l’épargne or des Français ! Au long de cette dernière partie, confrontons nos résultats.

Confrontation des résultats des deux méthodes / Synthèse

La première méthode, utilisant un coefficient d’attrition des émissions au fil des années, évalue le stock de monnaies françaises (en tonnes de fin et nombre de pièces de 20F) théoriquement disponibles en 2020 entre 513 et 1041 tonnes de fin :

La deuxième méthode, déduisant des émissions les pertes documentées, établit à partir de deux dates de référence que le stock théorique de monnaies françaises (en tonnes de fin et nombre équivalent de pièce de 20F) théoriquement disponibles en 1960 est évalué entre 1012 et 1085 tonnes de fin :

Pour apprécier le stock théorique possiblement disponible en 2020, il faut évaluer la perte sur la période entre 1960 et 2020

Les rapports annuels[XXIX] du World Gold Council (WGC) retiennent que le cumul des déficits annuels d’investissement des Français (pièces et lingots) sur la période allant de 1992 à 2020 est de l’ordre de 430 tonnes de pièces et lingots. Aucune donnée fiable n’a malheureusement pu être trouvée pour la période 1960 -1992. Seules les pertes de la période documentée par le WGC sera donc retenue. 

En utilisant la moyenne des répartitions entre monnaies et lingots publiées par plusieurs auteurs (ceci va de 85 % à 67%) soit 75 %, le stock de monnaies d’or françaises calculé pour 1960 sera donc diminué de 322 tonnes. 

Dès lors, avec cette méthode sur les deux périodes, jusqu’en 1960 et de 1960 à 2020, l’estimation obtenue du volume maximum de monnaies françaises disponibles en 2020 est de l’ordre de 726 tonnes de fin (moyenne de 763 et 690).

Désormais, nous voici avec quatre montants. Quel résultat retenir ? 

La moyenne de ces quatre résultats est 752 tonnes. 

La moyenne des deux résultats obtenus par l’inventaire des pertes connues est de 726 tonnes.

Chacune des deux méthodes présente des biais. Néanmoins, les résultats obtenus à partir du cumul des pertes documentées sont les plus fiables. Le résultat ne peut être le fait d’une surestimation des pertes. Même si l’inventaire des pertes est incomplet, les chiffres obtenus donnent de façon assez certaine le stock maximum de monnaies d’or françaises susceptibles d’exister encore. Néanmoins, faut-il le rappeler encore une fois, ce résultat est très certainement au-delà de la réalité. 

Monnaies d’or étrangères

Historiquement les Français détenaient un pourcentage significatif, en plus des monnaies d’or françaises, de monnaies d’or étrangères. D’après les enquêtes monétaires de Foville les pourcentages de monnaies étrangères recensées étaient les suivants :

Hors cette période documentée par les travaux de Foville, il existe peu d’information sur les volumes d’or monétaire étranger en France. Une des rares indications est donnée par Pierre Sicsic[XXX] sur la situation de cet or monétaire étranger en France en 1909. Selon ses informations, la Banque de France en détenait 44 tonnes pour 385 de monnaies françaises et les Français 179 pour 1738 tonnes de monnaies françaises. L’ensemble de ces monnaies étrangères représentait donc 9,5 % de la monnaie en circulation, un pourcentage proche de celui de Foville à la même date.

Il est donc raisonnable de retenir 10 % et d’étendre prudemment ce pourcentage jusqu’à 2020. Le résultat serait dès lors de 81 tonnes d’or en monnaies étrangères détenues en France.

La rareté de l’or à l’étranger

Au XIXe siècle, les monnaies d’or françaises sont très appréciées hors de l’Hexagone. Ce graphique illustre la position dominante qu’occupaient les réserves d’or de la Banque de France pendant plusieurs décennies. La France était alors la référence en matière d’or monétaire.    

Dans le cadre des facilités de circulation offertes par la convention de l’Union latine, les monnaies d’or françaises se retrouvaient majoritaires dans la circulation monétaire en Belgique et en Suisse, deux pays où les frappes de monnaies d’or ont été peu nombreuses (voir annexe 1). Néanmoins, ces deux pays n’étaient pas les seuls à utiliser très largement l’or français dans leur circulation monétaire.

En conséquence, le chiffre retenu de 726 tonnes de monnaies d’or françaises disponibles devrait être revue à la baisse s’il était question de savoir combien les Français, à eux seuls, pourraient en posséder. L’absence de données ne permet pas d’aller au-delà de cette simple réflexion.

Lingots d’or 

Le lecteur qui a eu la patience d’arriver jusqu’ici a pu constater la difficulté d’évaluer le montant de monnaies d’or françaises et étrangères que les Français pourraient avoir thésaurisé à ce jour.

Néanmoins cette difficulté n’est rien lorsqu’on la compare au chantier d’évaluation de l’épargne en or sous la forme de lingots que ces mêmes Français pourraient posséder. 

Contrairement aux monnaies, les lingots ne sont pas inventoriés par une administration centrale. Même si les lingots sont généralement identifiés par les affineurs, cette identification ne permet aucune traçabilité, d’autant que la diversité des titres des lingots anciens conduisait souvent à les fondre pour en affiner le titre.

Aucun élément n’étant disponible, il est impossible d’avancer une quelconque hypothèse

Plusieurs auteurs ont néanmoins franchi le pas en donnant des chiffres.

Pour la date pour laquelle ceux-ci ont donné l’information, le nombre maximum de monnaies françaises et étrangères (soit 10% de l’ensemble des monnaies détenues) qui seraient disponibles en appliquant la méthode du taux de survivance et la méthode du cumul des pertes a été calculé.

Les trois estimations sont résumées dans ce tableau pour les confronter aux résultats obtenus ici par les deux méthodes : 

Au-delà du constat que les montants avancés par ces sources aux différentes dates dépassent très largement les chiffres optimistes calculés de monnaies françaises en or survivantes, il est intéressant de noter que les trois sources citées ici ont donné des estimations de la part détenue par les Français en lingots d’or.

Selon ces sources, cette part de l’épargne globale en or des Français serait de 15 % en 1962 pour l’étude citant des données de la Banque de France, de 30 % en 1975 pour la revue « Le Creuset » et d’un tiers pour les auteurs publiant dans la revue « Économie et statistiques n°281 ». 

Comment ces montants ont-ils été obtenus ? 

S’ils l’ont été en proportion du volume de monnaies, ces résultats sont à l’évidence aussi suspects que les montants de monnaies détenues par les Français publiés par ces trois auteurs.

Conclusion

Le lecteur qui a été jusqu’à ce terme mérite l’admiration. En effet, malgré ma volonté d’être aussi clair et référencé que possible pour répondre à cette question, ce papier n’en est pas moins aride à lire.

Néanmoins, si aucune faille majeure n’est révélée dans le raisonnement qui a conduit à la réponse apportée à la question initiale, il est permis d’affirmer que les chiffres généralement utilisés sur le montant de l’épargne en or des Français relève du fantasme.

Bien évidemment, si un lecteur pouvait démontrer que les raisonnements suivis ne permettent pas d’aboutir aux résultats obtenus dans cette démonstration, ses observations seront accueillies avec toute l’attention qu’elles méritent.

Cette conclusion ne tient pas compte des possibilités récentes d’investissement offertes par les outils numériques pour investir dans les métaux précieux. 

Les demandes formulées auprès de BullionVault et autres intermédiaires pour évaluer le montant global en métaux précieux détenu chez eux par les Français sont restées sans suite. Un responsable de BullionVault a néanmoins confirmé que leurs chiffres sont communiqués aux enquêteurs du World Gold Council. Si tel est le cas, ceci voudrait donc dire que les montants utilisés ici pour les années récentes sont exhaustifs. 


[XXIX] https://www.gold.org/goldhub/data/gold-demand-by-country

[XXX] « Estimation du stock de monnaie métallique en France à la fin du XIXe siècle » par Pierre Sicsic (1989).

[XXXI] http://www.numisbel.be/UML.htm

Bruneel, Didier. « Les secrets de l’or » 

CGB, « le Franc »

Denuc, Jules. «Essai de détermination de la circulation monétaire annuelle en France de 1870 à 1913», Bulletin de la Statistique Générale de la France, avril-juin 1932.

Evesque, Maurice ; « La guerre actuelle et le marché monétaire » Journal de la société statistique de Paris, tome 59 (1918).

Flandreau, M. Coin Memories. Estimates of the French Metallic Currency 1840-1878

  Journal of European Economic History; Rome Vol. 24, N° 2,  (Fall 1995): 271. 

Foville (de), Alfred. 

«La circulation monétaire de la France d’après les recensements de 1868, 1878 et

1885», Journal de la Société de Statistique de Paris, 1888; 

«La circulation monétaire de la France en 1891», Économiste Français, 5 et 12 septembre 1891; «Le recensement monétaire du 15 septembre 1897», Économiste Français, 15 janvier, 5 et 12 février 1898; 

«Le recensement monétaire du 15 octobre 1903», Économiste Français, 16 et 23 avril 1904; 

«Le recensement monétaire du 16 octobre 1909», Économiste Français, 6 août 1910; 

Gallais-Hamonno Georges, Arbulu Pedro. « La rentabilité réelle des actifs boursiers de 1950 à 1992 ». In: Economie et statistique, n°281, (1995).

Green, Timothy. « Central Bank Gold Reserves An historical perspective since 1845 (WGC – 1999)

Haupt, Ottomar. « L’histoire monétaire de notre temps » (1886).

Leconte, Jean-Marie. « le Bréviaire de la Numismatique Française Moderne » (1993).

Mitzakis, G. « L’or monétaire survivant » Journal de la société statistique de Paris (1971).

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Prandi, Massimo. « Or : le marché libre de Paris s’achemine vers sa disparition » dans les Échos (2004).

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« La thésaurisation de l’or en France depuis 1914 : d’une thésaurisation monétaire à une thésaurisation refuge ». In: Revue numismatique (2012).

 « Le marché parisien de l’or de 1941 à 2009 : histoire et finance ». Thèse (2010)

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Yannick Colleu
Yannick Colleu a découvert les métaux précieux après l'éclatement de la bulle Internet en 2000. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages : "Investir dans les métaux précieux" et "Guide d'investissement sur le marché de l'or". Il est notamment reconnu pour son expertise sur la fiscalité et intervient régulièrement lors des événements annuels d'AuCOFFRE.com.

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