Or : faut-il investir dans les mines ?

par | 10 Oct 2017 | mines | 0 commentaires

Temps de lecture : 4 minutes

L’homme n’a jamais autant produit d’or que durant ces derniĂšres annĂ©es. Pour autant, investir dans les mines d’or n’est pas forcĂ©ment une bonne idĂ©e.

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000, la production d’or dans le monde a atteint des sommets, flirtant mĂȘme avec les 2800 tonnes par an en 2014-2015. Dans le mĂȘme temps, la technologie a permis de rĂ©duire considĂ©rablement les coĂ»ts de prospection, lesquels pĂšsent lourdement sur la facture globale d’exploitation d’un gisement aurifĂšre. C’est sans doute pourquoi, dans un souci de diversification et afin de surfer sur les performances exceptionnelles du mĂ©tal dorĂ© Ă  long terme (prĂšs de 400% de plus-value en 15 ans, soit quatre fois plus que le CAC 40 !), les investisseurs semblent avoir retrouvĂ© de l’intĂ©rĂȘt pour les mines d’or. Reste Ă  savoir s’ils ont fait un bon calcul…

Mine d'Or Rainy River Ontario Canada Compagnie NewGold

Une « miniĂšre » est d’abord et avant tout une action d’entreprise

FidĂšles Ă  leurs habitudes, mĂȘme lorsqu’il s’agit de matiĂšres premiĂšres ou de mĂ©taux prĂ©cieux, les investisseurs traditionnels aiment le papier. Rien n’a davantage d’intĂ©rĂȘt Ă  leurs yeux qu’une action qu’ils peuvent nĂ©gocier, acheter, revendre ou Ă©changer sur les marchĂ©s financiers. Un investissement sĂ©rieux ne saurait exister en dehors du cadre sacro-saint de la bourse et de ses valeurs. Par consĂ©quent, pour beaucoup d’investisseurs, « investir dans l’or » revient Ă  acheter des titres d’une sociĂ©tĂ© miniĂšre.

Sauf qu’en dehors de son domaine d’activitĂ©, une « miniĂšre » est une sociĂ©tĂ© comme les autres, soumise aux mĂȘmes alĂ©as, confrontĂ©e Ă  une lĂ©gislation susceptible de nuire Ă  sa rentabilitĂ©. Elle doit aussi assurer des charges sociales, des taxes en tous genres, et elle peut rencontrer des difficultĂ©s de production comme n’importe quelle autre entreprise. IndĂ©pendamment du produit qu’elle exploite, une compagnie miniĂšre peut donc parfaitement faire faillite si elle est mal gĂ©rĂ©e ou si elle joue de malchance.

Pire, la particularitĂ© de son activitĂ©, mais aussi trĂšs souvent sa localisation gĂ©ographique dans des pays pas toujours trĂšs stables politiquement, l’exposent Ă  des risques que ne connaissent pas la plupart des autres entreprises : guerres, coups d’État, confiscation, etc. Investir dans une mine d’or, c’est aussi parfois parier sur le temps que mettra un baril de poudre Ă  exploser

Des coĂ»ts qui baissent… mais une rentabilitĂ© aussi

On l’a dit, la prospection est une donnĂ©e essentielle pour l’exploitation d’un gisement. Et jusqu’Ă  rĂ©cemment, cette phase prĂ©liminaire pouvait s’avĂ©rer extrĂȘmement coĂ»teuse sans la moindre garantie de succĂšs. Autant dire que, lorsqu’un filon exploitable est dĂ©couvert, il peut se passer de nombreuses annĂ©es avant que l’activitĂ© soit rentable, le temps pour la compagnie de rembourser les frais initiaux. D’ailleurs, il arrive frĂ©quemment que certains gisements prometteurs ne donnent pas les rĂ©sultats escomptĂ©s, et la mine se voit donc contrainte de fermer avant mĂȘme d’avoir pu rĂ©cupĂ©rer les fonds engagĂ©s au dĂ©part. Dans ce cas, les perdants ne sont pas seulement les exploitants ou les salariĂ©s… mais aussi les investisseurs.

Depuis quelques temps, la technologie est venue au secours des compagnies miniĂšres (forages « chirurgicaux », analyses de donnĂ©es gĂ©ologiques et sismiques par de puissants algorithmes informatiques, sonars, satellites, etc.), ce qui leur a permis de gagner un temps prĂ©cieux lors de la sĂ©lection des sites prometteurs. DĂ©sormais, on commence Ă  creuser lorsqu’on est sĂ»r de trouver de l’or, et les coĂ»ts de prospection s’en trouvent donc considĂ©rablement rĂ©duits. ConsĂ©quence directe, la facture globale est elle aussi allĂ©gĂ©e et, tandis qu’une once d’or coĂ»tait environ $900 Ă  ĂȘtre extraite du sol il y a 15 ans, elle n’en coĂ»te plus que la moitiĂ© aujourd’hui.

ProblĂšme, les bons gisements se font de plus en plus rares et mĂȘme si la prospection ciblĂ©e a pu faire baisser momentanĂ©ment les coĂ»ts d’exploitation, ceux-ci sont repartis Ă  la hausse car il faut souvent creuser de plus en plus longtemps et de plus en plus profondĂ©ment pour aller chercher des quantitĂ©s d’or de plus en plus modestes. Et lorsque les coĂ»ts remontent, c’est la rentabilitĂ© des investissements qui souffre.

La production aurifĂšre a peut-ĂȘtre dĂ©jĂ  connu son pic

C’est un discours qu’on entend rĂ©guliĂšrement depuis quelques annĂ©es : la production d’or aurait atteint son maximum et tendrait dĂ©sormais Ă  dĂ©croĂźtre progressivement. Le fait est que les gisements s’épuisent bel et bien, et mĂȘme si de nouvelles mines ouvrent chaque jour, il s’agit aujourd’hui d’aller gratter au mieux 3 grammes d’or par tonne de terre. Pour information, en 2000, la teneur moyenne des gisements Ă©tait de 24 grammes par tonne de minerai, soit 8 fois plus !

ConsĂ©quence inĂ©vitable, toutes les Ă©conomies rĂ©alisĂ©es en amont sont absorbĂ©es par les dĂ©penses croissantes en Ă©nergie et en moyens techniques pour parvenir Ă  extraire une quantitĂ© d’or constante. Dans les faits, les mines d’or sont donc trĂšs peu rentables et les faibles performances de leurs actions en bourse reflĂštent assez bien cette difficultĂ© qu’elles ont Ă  garder la tĂȘte hors de l’eau.

Pour l’instant, seule la Chine continue Ă  soutenir la production d’or dans le monde (c’est mĂȘme le premier pays producteur au monde avec un peu plus de 450 tonnes en 2016), mais la plupart des autres pays producteurs extraient de moins en moins de mĂ©tal dorĂ© chaque annĂ©e.

Un risque financier… environnemental

IndĂ©pendamment des efforts de certaines compagnies miniĂšres, notamment au Canada ou aux États Unis, qui respectent une charte « Clean Extraction« , il reste trĂšs difficile de produire de l’or en grandes quantitĂ©s sans utiliser des substances dangereuses pour l’environnement. Cyanure et mĂ©taux lourds sont ainsi rejetĂ©s dans la nature, et dans les cours d’eau en particulier, ce qui bouleverse durablement les Ă©cosystĂšmes et contaminent des territoires entiers, intoxiquant non seulement la faune et la flore mais aussi malheureusement les populations qui y vivent.

La communautĂ© internationale ainsi que les professionnels de l’exploitation miniĂšre ou encore du nĂ©goce de l’or se sont Ă©mus de cette situation, et ils contribuent activement Ă  faire Ă©voluer les techniques de production pour limiter au maximum l’impact sur l’environnement. La sociĂ©tĂ© civile elle aussi, notamment par le biais des associations Ă©cologistes, fait pression sur les autoritĂ©s des pays concernĂ©s pour faire changer la lĂ©gislation en matiĂšre d’exploitation aurifĂšre. Le processus est lent mais il commence Ă  porter ses fruits, ce qui est une bonne chose.

Toutefois, pour se plier aux nouvelles normes de plus en plus draconiennes, les compagnies miniĂšres doivent rĂ©duire encore leur perspectives de rentabilitĂ© afin de prendre en compte les coĂ»ts de mise en conformitĂ©, l’abandon des techniques polluantes au profit d’autres mĂ©thodes plus « propres » mais aussi moins efficaces, etc.

Au final, et une fois encore, cette facture « environnementale » risque bien d’ĂȘtre payĂ©e par l’investisseur.

Conclusion : pour investir dans l’or, rien de mieux que d’attendre qu’il soit sorti du sol pour en acquĂ©rir un peu (ou beaucoup, c’est selon). D’autant plus que, s’il est vrai que la production est appelĂ©e Ă  baisser dans l’avenir, alors le mĂ©tal se fera de plus en plus rare sur le marchĂ© et sa valeur ne pourra qu’augmenter.

 

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Alberti, Anthony
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratĂ©gique, il a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matiĂšre d'Ɠuvre Ă©tait constituĂ©e de l'argent des Ă©pargnants. Peu complaisant Ă  l'Ă©gard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il dĂ©livre aujourd'hui rĂ©guliĂšrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de prĂšs ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnĂȘtes citoyens.

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