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Les prix n’étaient pas multipliés par 10 ou 100, mais par… 10 milliards ! De juin 1922 à novembre 1923, pendant 18 mois, nos voisins allemands ont compris ce que signifiait le concept d’hyperinflation. Un évènement économique catastrophique qui a laissé des cicatrices profondes dans la conscience collective de l’Allemagne et du monde entier. La toute nouvelle République de Weimar, sociale, était alors étranglée par les dettes de guerre. Alors qu’aujourd’hui, un siècle plus tard, l’Europe connait une résurgence de l’inflation, ce phénomène dévastateur pourrait-il frapper à nouveau nos voisins ? Quels enseignements peut-on tirer de cet épisode économique dans la grande Histoire ?

Il y a 100 ans, l’hyperinflation faisait rage en Allemagne

En 1922, la situation est catastrophique pour l’économie allemande… et les Allemands qui en payent le prix fort. 

1922-1923 : dettes et dépenses font plonger l’économie allemande

Au début du siècle dernier, l’économie du pays sort affaiblie de l’une des pires guerres de l’Histoire. En effet, la facture est salée. La masse monétaire a donc déjà augmenté de manière significative depuis 1914, mais le pire est à venir. Les Alliés, dont la France, veulent absolument se faire payer les réparations signées dans le Traité de Versailles. Qui plus est, le gouvernement outre-Rhin souhaite mettre en place des mesures sociales, qui nécessitent des dépenses importantes. Une idée qui ne fait pas recette : augmentations des dépenses, aucune possibilité de lever de l’impôt et l’intransigeance des alliés pour la renégociation de la dette de guerre, enfin, augmentation de la dépense. Tout est réuni pour la faillite monétaire sur fond de lourd déficit. L’Allemagne a donc recours à la planche à billets pour éponger.

L’augmentation de la masse monétaire est le meilleur moyen de provoquer de l’inflation. En Allemagne, la planche à billets surchauffe et crée de l’hyperinflation. Première conséquence visible et non des moindres, la dépréciation spectaculaire pour ne pas dire vertigineuse de la devise allemande.  À l’époque, au restaurant, on paie son repas au moment de la commande, car entre l’entrée et le dessert, le mark s’envole. Et c’est naturellement au client de rallonger la mise pour payer l’addition. Plus grave encore, les économies de toute une vie étaient réduites à néant, et l’effondrement économique a engendré des troubles sociaux et politiques sans précédent.

Le miracle du Rentenmark met fin à l’hyperinflation

Puisque le mark ne vaut vraiment plus rien, se pose alors la question de le supprimer. Mais par quoi le remplacer ? L’Allemagne n’a quasiment plus d’or pour garantir sa masse monétaire en marks, et le résultat serait le même avec une nouvelle monnaie. L’heure pour le gouvernement de Weimar de sortir une idée géniale du chapeau, que les économistes qualifieront plus tard de “miracle” : le Rentenmark.

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Avec le Rentenmark, introduit dans la loi le 15 novembre 1923, la République de Weimar décide de garantir sa nouvelle monnaie avec le capital industriel, le commerce de gros et l’agriculture du pays qui avaient été épargnés par l’hyperinflation voire en avait profité pour se financer à vil prix. Comme l’or n’est pas là, l’État hypothèque 6 % de la valeur de chaque entreprise, biens immobiliers, terres agricoles… Ce qui représente l’équivalent de plus de 3 milliards de marks-or. Une bonne base pour garantir la nouvelle monnaie, le fameux Rentenmark. Et comme l’assise de toute monnaie, c’est la confiance… ça marche ! Le papier mark est rapidement remplacé et la spirale inflationniste est stoppée. Un an plus tard, en 2024, le ReichMark, qui repose sur les matières premières du pays, dont l’or, est lancé.

La situation de l’Allemagne au XXIᵉ siècle n’a rien à voir

Évidemment, voir l’Allemagne en difficulté aujourd’hui, alors qu’on nous répète depuis des décennies que son industrie, son modèle économique et social sont particulièrement exemplaires, peut réveiller quelques fantasmes. Mais la situation est incomparable. L’industrie allemande souffre notamment parce qu’elle était « dopée » au gaz russe bon marché. Mais sa monnaie est l’euro, garanti par les réserves monétaires de l’ensemble des pays membres.

Une petite glissade budgétaire en 2023

Le déficit public allemand est toujours maîtrisé même s’il était attendu juste au-dessus de 3 % du PIB en 2023. Le gouvernement a injecté 200 milliards d’euros pour bloquer les prix de l’énergie. Un vrai dérapage pour ces chantres de l’orthodoxie budgétaire. Alors qu’en France, ce serait presque un exploit de le maintenir dans ces limites.

Une récession jusqu’en 2025 ?

Les prévisionnistes s’attendent à une baisse de l’activité en Allemagne encore une année supplémentaire avant de prévoir une reprise pour 2025. Une contraction de la croissance accompagnée du maintien d’une inflation autour de 5 % (plus ou moins selon les prix de l’énergie). C’est bien sûr au-dessus du dogme des banques centrales de 2 % d’inflation. Mais c’est bien loin des plus de 50 % de l’hyperinflation de 1923 !

Une telle hyperinflation est-elle possible en France ?

Dans les faits, la situation de la France de 2023 n’est pas celle de l’Allemagne de 1922.

Même le déficit important et l’augmentation du prix de l’emprunt pour le pays sont protégés par l’Euro. Il faudrait une faillite de l’État français pour entraîner avec lui l’Euro dans des conditions pires que celles de la crise de l’Euro en 2010 avec la Grèce. Donc les conditions d’une hyperinflation monétaire semblent loin d’être réunies.

L’autre possibilité serait l’enclenchement d’une spirale prix salaire qui pousserait l’inflation vers des sommets. Pour l’instant, si l’inflation est bien installée, les augmentations de salaires ne semblent pas d’actualité dans les différents secteurs d’activité.

Enfin, dernier élément qui pousserait l’inflation vers des sommets, l’opportunisme d’entreprises qui augmenteraient les prix de manière artificielle malgré une baisse des prix des matières premières, et ce, pour augmenter leurs profits.

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Benjamin Rosoor
Je suis entrepreneur sur le web depuis 1999. Diplômé de l'école de journalisme de Bordeaux, j'ai tout d'abord été journaliste-reporter radio pendant 10 ans. J'anime plusieurs médias sociaux et blogs sur les entreprises, la tech, la finance, le marketing digital.

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