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Parmi les pièces d’or françaises contemporaines, la pièce d’or 20 francs au « Coq », la Marianne Coq 20 francs, est une des plus emblématiques pour deux raisons. D’une part, elle a été un des éléments de la propagande militaro-économique française lors de la Première Guerre mondiale. D’autre part, elle a une histoire tout à fait particulière qu’aucune des autres pièces qualifiées (à tort) de « Napoléon » n’a connu.

Ce qu’il faut retenir :

  • La pièce d’or 20 francs au « Coq » apparait pour la première fois en circulation en 1899.
  • Symbole de son époque, elle marque un véritable renouveau monétaire.
  • Cette pièce a donné lieu à deux séries de refrappes que l’on peut considérer comme « officielles ».

La Marianne Coq : une pièce d’or pour montrer que la France redresse la tête

N’oublions tout d’abord pas qu’il s’agit bien là, initialement, d’une pièce de circulation courante, avec laquelle vous pouviez payer directement vos dépenses. Les pièces d’or de 20 francs étaient alors plutôt nommées « louis » que « Napoléon ». Il existait des contenants spécifiques nommés « porte-louis » de formes et matières très variées, sortes de porte-monnaie spécifiques pour les pièces d’or.

Lorsque la Marianne Coq apparaît pour la première fois dans la circulation, en 1899, elle va porter un message politique important : la France s’est relevée de la terrible défaite de Sedan et reprend en main son avenir, y compris militaire si nécessaire. Le graveur Jules-Clément Chaplain propose une gravure en ce sens. D’un côté, une Marianne très altière, le regard fixé sur « la ligne bleue des Vosges », dont le bonnet phrygien est orné d’une branche de chêne, symbole de force, de résistance et de justice. Chaplain a réutilisé ce profil sur la médaille de l’exposition universelle de Paris en 1900.

Le message est encore plus clair au revers avec un coq triomphant, dressé sur ses ergots, prêt à en découdre. Ce coq est le symbole tutélaire de la France. Qui plus est, les caractéristiques de cette nouvelle pièce d’or de 20 francs resteront exactement les mêmes que celle initialement créée par Napoléon, symbole de la continuité et de la force économique du pays : 6,45 g d’or à 900 millièmes pour un diamètre de 21 mm.

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Une pièce d’or symbole de son époque

Il y avait plusieurs défis à la réalisation de cette nouvelle pièce. Tout d’abord proposer un nouveau dessin qui fasse oublier Napoléon III, dont la tête, laurée ou non, qui ornait toutes les très nombreuses monnaies d’or émises depuis 1852, rappelait trop la défaite de 1870 et la perte de l’Alsace-Moselle. Ensuite, sortir de l’ennui de la pièce de 20 francs or Génie, vieux symbole apparu sur les monnaies durant la Révolution, et qu’on avait un peu ressorti « de la naphtaline » faute d’avoir une autre idée sous la main. La 20 francs « au coq » marque donc un renouveau monétaire. Et elle n’est pas la seule puisqu’elle coïncide exactement avec l’apparition de la célèbre Semeuse d’Oscar Roty, qui connaitra un succès sans cesse renouvelé.

Cette pièce est aussi bien à l’écoute de son époque, car sa tranche va évoluer en fonction des nouvelles orientations politiques. De 1898 à 1906, elle portera la traditionnelle devise « DIEU PROTÈGE LA FRANCE ». Mais avec la loi de séparation de l’Église et de l’État, celle-ci va être remplacée, de 1907 à 1914, par une toute nouvelle devise (même si elle n’est pas franchement originale) : « LIBERTÉ.ÉGALITÉ.FRATERNITÉ ».

ATTENTION : pour les amateurs vigilants, le millésime 1900 de cette pièce est beaucoup plus rare que les autres (615 000 exemplaires) et se classe plutôt comme monnaie de collection que monnaie de placement.

Quand l’or entre en guerre

On dit souvent que l’argent est « le nerf de la guerre ». Cela se vérifie dès le début de la Première Guerre mondiale. Le gouvernement a besoin de fonds pour soutenir l’effort de guerre et va donc faire appel à la générosité et au patriotisme des Français pour l’y aider. On voit alors apparaître la célèbre affiche d’Abel Faivre « l’or combat pour la victoire », montrant une pièce de 20 francs « au coq », écrasant un soldat allemand sous son poids. Cette démarche va déboucher sur une très importante disparition du stock d’or privé et une destruction assez massive de ces monnaies qui vont partir à la fonte pour être retransformées en lingots. Ce qui va, en partie, expliquer les « errements » des années 1950.

Un seul coq ou toute une basse-cour ?

Excellente question ! Car la Marianne Coq 20 francs or a connu un destin unique, du moins en France. Comme on l’a vu, elle a été très largement rapportée aux guichets des banques par les citoyens zélés durant la Première Guerre mondiale, pour être refondues en lingots. Mais, si on sait qu’il en a été frappé (tous types confondus) environ 118 millions d’exemplaires, il est difficile de savoir combien il en reste physiquement sur le marché. Mais cette approche est biaisée pour une raison qui peut sembler peu ordinaire : les refrappes postérieures. En effet, cette pièce a donné lieu à deux séries de refrappes que l’on peut considérer comme « officielles » puisqu’elles ont été commandées par les gouvernements légaux et frappées par la Monnaie de Paris. On n’aurait, jusque-là, rien à en redire sauf que, au lieu d’adapter les millésimes à la date de ces frappes, on en a conservé ceux des coins d’origine.

Il est donc procédé à deux refrappes. La première a lieu en 1921. On a peu d’éléments, mais on sait qu’elle aurait porté sur environ 200 000 pièces au millésime 1914. La seconde, dite « refrappe Pinay », a eu lieu entre 1951 et 1960 et porterait, cette fois-ci, sur 37/38 millions d’exemplaires. Là, on comprend mieux qu’il n’a pas été utilisé de millésimes correspondants aux dates de fabrication car Raymond Poincaré a démonétisé ces pièces par la loi du 25 juin 1928.

Pour comprendre en détail cette manipulation d’état : Pièce 20 francs Napoléon jeton : révélations sur les « refrappes Pinay »

Un régime fiscal bénéfique pour la Marianne Coq ?

Peut-être allez vous penser que ces considérations sur la date de frappe relèvent du coupage de cheveux en 4. Après tout, il s’agit de pièces totalement similaires, contenant les mêmes poids et titre d’or (même si les « refrappes Pinay » sont un peu plus rouges du fait de la présence d’un alliage un peu plus cuivré). Qui plus est, les refrappes n’ayant jamais circulé (et pour cause !) elles sont généralement en bien meilleur état que les authentiques.

Certes, mais cela a de l’importance car, du fait des conditions de leur refrappe, il ne s’agit plus de pièces, mais de « jetons » et de « médailles » avec une fiscalité différente du traditionnel Napoléon.

Pour en savoir plus : Pièce 20 francs Napoléon : possédez-vous une Marianne Coq jeton ? – L’académie AuCOFFRE

Le passage sur les pièces Napoléon jetons avec Jean-François Faure à partir de 1h27’09 »

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Bruno Collin
Elève d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Docteur en histoire économique et monétaire, expert numismate et journaliste. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages et de plusieurs centaines d’articles sur ce sujet, il analyse la monnaie sous tous ses multiples aspects : historique, valeur, économique, support de propagande, nerf de la guerre, objet de placement, techniques de fabrication, métaux...

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