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Le miracle de l’argent virtuel c’est qu’on peut lui faire faire à peu près n’importe quoi, à commencer par se multiplier à loisir. Mais alors qu’on pensait avoir touché le fond avec la création monétaire no limits de Monsieur Draghi et son quantitative easing complètement raté, voila qu’on nous prépare une généralisation de « l’épargne qui coûte de l’argent » grâce à la rocambolesque invention des taux négatifs.

Historiquement, les monnaies ont été créées pour servir de réserve de valeur et permettre l’échange de biens et services sur la base d’une richesse de référence. Sauf qu’aujourd’hui, plus aucune monnaie n’est indexée sur une richesse tangible, l’or par exemple (mais ça pourrait tout aussi bien être le sel, le bois, les épices, comme ce fut déjà le cas dans l’histoire). Tout simplement parce que la monnaie n’est plus constituée que de jeux d’écritures entre ceux qui fournissent de « l’argent » et ceux qui l’utilisent. En gros, on appelle ça le crédit. Et quand la richesse est dans le crédit, forcément, il est indispensable de pousser les gens à emprunter, sinon, le système s’effondre.

Le problème c’est qu’après une longue période où les banquiers ont joué les apprentis sorciers, le plus souvent au détriment des ménages, ces derniers ont fini par ne plus avoir confiance. Et si l’origine du mot « crédit » vient de « croire », ce n’est pas un hasard. Le prêteur doit croire en la capacité de l’emprunteur à le rembourser, mais l’emprunteur lui aussi doit croire à la solidité de son créancier. Or depuis 2008, la confiance est rompue. Ajoutons à cela les problèmes de société qui ne cessent de croitre et d’envahir peu à peu tous les aspects de la sphère privé, l’insécurité grandissante, un contexte économique mondial sur le point de s’effondrer, une incertitude permanente sur le front de l’emploi… tout cela finit par pousser la majorité des gens à se replier sur eux-même et à adopter un comportement prudent. Et qu’est-ce qui caractérise un comportement prudent en économie ? L’épargne, mettre de l’argent de côté pour faire face à un avenir pas franchement réjouissant. Bien évidemment, on parle des ménages, des particuliers, de Monsieur et Madame Tout-Le-Monde. Mais du côté des institutions et surtout des entreprises, ce n’est pas mieux. Investissement en berne, licenciements, vente d’actifs pour dégager du cash, tous les signes sont là pour montrer la réticence, légitime ou non, des entrepreneurs à se projeter dans l’avenir.

Mais en attendant, tout cela ne fait pas les affaires de nos grands argentiers qui ne peuvent plus créer de monnaie, faute de crédit. Alors que faire pour ramener les épargnants vers le crédit ? Baisser les taux ? On le fait depuis trois ou quatre ans maintenant et on est désormais au raz des pâquerettes. Difficile d’aller plus bas. Même le taux directeur de la Banque de France est quasiment à zéro (0.05% depuis septembre 2014). Le peuple est têtu (« Les Français sont des veaux ! » disait le Général de Gaulle), un véritable troupeau aussi difficile à mettre en marche qu’à freiner quand il va dans la mauvaise direction.

Alors, comme avec le bétail, quand la carotte ne marche plus, on sort le bâton. Rendre le crédit attractif n’a pas suffi, on va donc pénaliser l’épargne par la grâce du taux négatif ! Certes, on n’y est pas encore pour les particuliers ou les comptes de dépôt en général, mais on peut facilement supposer que la mesure, qui s’appliquerait au début aux seuls organismes financiers à l’égard de leur banque centrale, finira bien un jour ou l’autre par retomber sur les usagers. Ainsi, pense-t-on, il deviendra évident même aux plus réfractaires que le salut est dans la consommation, dans l’usage, et finalement dans le crédit pour prendre le relais d’une épargne mobilisée dans des placements… ou simplement dépensée.

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Mais les choses ne se déroulent jamais comme on l’avait prévu. Et, à l’instar des Japonais qui achètent des coffres-forts avant de vider leurs comptes en banque, on verra peut-être les Français récupérer eux-aussi leur argent de leur compte épargne et autres livrets. Ce qui, au bout d’un moment, posera très certainement de gros problèmes compte tenu des réserves limitées dont disposent réellement les banques. Les inconscients stockeront des billets sous leur matelas (ils auront l’air fin si la monnaie papier est dévaluée…). Les plus malins convertiront leur fortune en actifs tangibles et négociables, comme l’or ou l’argent métal, véritables réserves de valeur… mais qui ont aussi leurs limites. Car un tas d’or n’a jamais abrité personne du froid ou de la pluie. Et une pièce en argent n’est que de piètre qualité nutritionnelle. Par conséquent, chacun devra y aller de sa stratégie personnelle pour acquérir le minimum vital : de quoi se loger, se nourrir, se protéger. Et surtout devenir le plus autonome possible, dans la durée, afin de ne plus dépendre de quiconque le fera payer pour profiter à sa place du fruit de son travail.

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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