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N’importe qui peut battre sa propre monnaie, comme en témoigne l’émergence de nouvelles monnaies locales. Avec l’avènement d’Internet, des réseaux sociaux, des plateformes communautaires, une nouvelle forme d’échange d’argent, plus simple, plus rapide, plus interactive a trouvé sa place : les monnaies virtuelles ou e-currencies. Fini les échanges de pièces de monnaie sonnantes et trébuchantes, tout se passe derrière l’écran, en un clic de souris ou un appel de téléphone mobile. Peuvent-elles être un bon placement ? Et les Français sont-ils prêts à franchir le pas de la virtualité ?

L’argent virtuel a commencé à circuler sur Internet par le biais des jeux vidéo, avec par exemple le PED, la monnaie courante dans le jeu virtuel en ligne Project Entropia. Cette unité de compte, transférable en devises réelles, était propice à toutes les spéculations, comme le Linden Dollar de l’univers virtuel Second Life. Le géant des réseaux sociaux, Facebook, se devait lui aussi d’avoir sa propre monnaie, le crédit Facebook permettant d’acheter des cadeaux virtuels (gifts) et des jeux édités sur Facebook. Avec ces exemples, les achats semblent ici limités à la sphère du jeu et du divertissement, mais il est aussi possible d’acheter n’importe quel bien de consommation (à condition que la boutique en ligne l’accepte) avec de l’argent virtuel. C’est le cas du Bitcoin.

1. Le cas Bitcoin : quand chacun crée son propre argent

Crée en 2009 par un mystérieux personnage, Satoshi Nakamoto,  dont on ne sait finalement pas grand-chose, le Bitcoin est une monnaie décentralisée (gérée par réseau de façon collective), virtuelle, en peer to peer. Ce système permet à toute personne disposant d’une connexion Internet d’envoyer et de recevoir anonymement des pièces électroniques. Les flux de monnaie, les échanges, les transactions ne sont contrôlées par aucune institution financière ou économique. Pour avoir accès à ces Bitcoins, il suffit de télécharger le logiciel disponible sur le site. Une adresse Bitcoin est ensuite fournie gratuitement à l’internaute et lui permettra d’échanger sa monnaie virtuelle.
Concrètement, que peut-on acheter avec ces pièces virtuelles ? Une liste non exhaustive est présentée sur le site français Bitcoin.fr, et les produits ou services consommables sont aussi  variés que l’hébergement en ligne, des logiciels éducatifs, des e-books, des vêtements et accessoires, et même des produits alimentaires. Le principe est simple : pas d’intermédiaire. Le système repose sur un réseau P2P décentralisé et des transactions sécurisées par cryptage. Les échanges de Bitcoins sont directs, sous couvert d’anonymat et bien sûr sécurisés…
Le 15 septembre dernier, 7 274 850 Bitcoins circulaient, avec une variation de 5,12 à 5,6 dollars dans la même journée, ce qui représente un montant total de 40 millions de dollars. C’est donc devenu une monnaie crédible. En outre, le fait qu’elle fonctionne sans tiers de confiance présente des avantages certains : elle ne présente aucun frais, n’est pas soumise aux taxes et s’utilise dans le plus parfait anonymat.
Chacun, avec un minimum de connaissance en informatique, est donc capable de générer sa propre monnaie, de faire des échanges sans passer par la case banquier… C’est en quelque sorte le retour à la monnaie privée, mais virtuelle.

2. Un succès qui dérange

Le succès d’une telle monnaie dérange les établissements bancaires et les marchés financiers, d’autant que le Bitcoin devrait être prochainement convertible dans 15 monnaies officielles. En France, la CIC a récemment décidé de fermer le compte de la société Macaraja, intermédiaire du site Mt.Gox, spécialisé dans l’échange de Bitcoins en devises officielles. La SAS qui enregistrait 500 transactions par jour effectuées dans la monnaie virtuelle, a vu clore ses comptes sous le prétexte qu’elle exerçait illégalement une activité bancaire et d’agent de change et que le Bitcoin n’était pas une monnaie virtuelle. Pour le moment, la justice a tranché en faveur de la monnaie « sans odeur ». Le patron de Macaraja lui, estime que le Bitcoin n’est qu’un « bien immatériel créé gratuitement à partir d’un logiciel gratuit, ne constituant pas un titre de créance et n’ayant pas de contrepartie ».
Ouvert à la spéculation, le Bitcoin a pourtant connu des pics spéculatifs importants depuis sa mise en circulation sur le web : la valeur du « bien immatériel sans contrepartie » a atteint un pic à 23€ depuis sa création où il ne valait que quelques centimes, pour plafonner actuellement aux alentours de 3,5€. La menace que représente une telle monnaie est donc bien tangible pour le système monétaire, surtout à l’heure où les monnaies fiduciaires vacillent : nous ne sommes pas sûrs de garder la monnaie unique très longtemps à cause de la dette souveraine et le dollar qui ne cesse d’être dévalué à cause d’une politique hyper-inflationniste… Si la quantité de l’or est finie, l’argent virtuel, lui, peut-être généré à l’infini et peut donc concurrencer les autres monnaies sur leur terrain.

3. Le revers pas très brillant de la médaille

Si les monnaies virtuelles font la nique aux monnaies réelles en cours et qu’elles revêtent un aspect révolutionnaire en échappant au contrôle des systèmes bancaires et étatiques, elles présentent néanmoins de gros défauts.
– Monnaie virtuelle et fiduciaire = même combat
Toute monnaie virtuelle convertible en devises courantes présente les mêmes défauts que ces dernières : elles sont soumises à la spéculation, ne peuvent pas échapper à l’inflation et peuvent donc être dévaluées jusqu’à ne rien valoir du jour au lendemain.
– Vide juridique = nouvel eldorado pour les mafias ?
Transactions qui ne laissent pas de traces, anonymat, certaines monnaies virtuelles échappent à tout contrôle. Elles servent donc de monnaie d’échange entre mafieux, dealers et servent des transactions illégales, facilitant ainsi le blanchiment d’argent. Autre aspect déplaisant, en cas d’arnaque ou d’effondrement du système de la monnaie virtuelle, vers quelle autorité le consommateur honnête peut-il se retourner ? Face au danger représenté par le Bitcoin, deux sénateurs démocrates américains ont demandé en juin dernier la cessation de ce système. Des sanctions gouvernementales pourraient bien mettre fin à la monnaie du jour au lendemain, sans autre forme de procès.
– Pas une vraie monnaie d’échange
Pour servir de monnaie d’échange, le Bitcoin doit être accepté par les e-commerçants. Pour le moment, le choix reste limité, alors qu’avec l’or vous pouvez à peu près tout acheter !
– Risque réel de cambriolage virtuel
Le piratage est la bête noire des échanges sur le net. En juin dernier, le site Bitcoin.org a subi une faille de sécurité sans précédent : les hackers ont pu avoir accès à plusieurs milliers de données personnelles (login, adresse e-mail, mot de passe codé).  On peut lire sur 01net.com que ce n’est pas le premier problème de sécurité rencontré par Bitcoin. Un utilisateur s’est déjà fait voler 25 000 Bitcoins sur son compte (500 000 dollars à l’époque). Conséquence directe de cette cyber-attaque : la chute vertigineuse du cours de la monnaie, passant en l’espace de quelques heures de 12 euros à quasiment… plus rien. Zéro pointé !

4. En France on préfère l’or sonnant et trébuchant !

Le pari d’implanter une monnaie virtuelle en France n’est pas gagné. Si elle intéresse une clientèle marginale (joueurs en ligne, libertaires, trafiquants…) voire quelques contrariens, elle ne cible pas la majorité des épargnants français, habituée aux actifs tangibles d’une part et qui aime sentir des espèces sonnantes et trébuchantes dans sa poche. Les Français ont tissé un lien affectif avec leurs monnaies. Aux Etats-Unis, les portes-monnaies n’existent pas, il n’existe que des portes-cartes de crédit, aucune pochette n’est réservée à la monnaie. La culture de la monnaie va avec notre Histoire qui est riche, la monnaie est témoin des époques dont elle est millésimée. Même si les Français utilisent de plus en plus leur carte de crédit, ils aiment bien avoir un peu de « liquide » à portée de main.
Déjà chez loretlargent, nous n’avons jamais soutenu aucune devise papier, ni été fan de l’or papier, notre méfiance de contrarien allant naturellement à l’encontre des établissements émetteurs d’ETF. Pour nous, seul l’or possède une valeur tangible qui lui est propre et ce depuis son existence. Car seul l’or a toujours servi de monnaie de change. Même si l’or perdait de sa valeur, celle-ci n’atteindrait jamais zéro, comme ça a failli être le cas pour le Bitcoin cet été.
La seule chose intéressante dans cette monnaie virtuelle est la possibilité de la créer par un particulier et qu’elle ne soit régulée ni par un état, ni par aucune banque C’est une monnaie libre qui dans cette mesure ne peut pas être manipulée. Contrairement à l’or, ni les devises en cours et encore moins le Bitcoin ne remplissent leur rôle de stockage de valeur.
Le seul vrai rempart à votre liberté individuelle est l’or sous forme de pièces, avec lequel on peut tout acheter, et non pas une monnaie virtuelle soumise aux mêmes lois que les monnaies fiduciaires, aux banques et aux états.
Lire aussi le livre blanc sur « Les monnaies virtuelles : Les nouveaux circuits financiers clandestins », de Marie Garbez
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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

2 Commentaires

  1. « l’argent virtuel, lui, peut-être généré à l’infini et peut donc concurrencer les autres monnaies sur leur terrain ».
    C’est totalement faux dans le cadre du Bitcoin, du Litecoin et très sûrement d’autres monnaies cryptographiques.
    Bitcoin est plafonné à 21 millions (https://fr.bitcoin.it/wiki/FAQ#Quelle_est_la_quantit.C3.A9_totale_de_Bitcoins_en_circulation_.3F), Litecoin à 40 millions.

    La monnaie est donc déflationniste, à l’inverse des monnaies « historiques » où l’on peut faire tourner la planche à billet.

    « La seule chose intéressante dans cette monnaie virtuelle est la possibilité de la créer par un particulier »
    L‘introduction de la monnaie est une façon de la répartir de façon progressive, contrôlée et distribuée. Au vu de la difficulté qui augmente en fonction du nombre de machine qui « minent », cela fait longtemps que cela n’est plus possible pour un particulier de générer des Bitcoins sans investissement conséquent.

    Au sujet de bitcoin utilisé pour des usages illégaux, cela ne change en rien par rapport au trafic existant basé sur des dollars ou des euros. C’est également anonyme et intraçable.

    Il faut tout de même savoir que toutes les transactions sont publiques (https://blockchain.info/fr), si l’on connait une adresse bitcoin, il est possible de voir toutes les transactions effectuées.
    De l’autre côté, il est possible de générer autant d’adresses que l’on souhaite.

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