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Blythe Masters, la banquière de la JP MORGAN à l’origine de la crise mondiale
Blythe Masters, la banquière de la JP MORGAN à l’origine de la crise mondiale, de Pierre Jovanovic

Actualité oblige, Blythe Masters, sorte de Prométhée financier maléfique en jupon, revient sur le devant de la scène qu’elle (ni la JP Morgan) n’avait très envie d’occuper. Les Credit Defaut Swaps, produits financiers ultra toxiques créés par Blythe Masters, responsable de l’unité matières premières à la JP Morgan dans les années 90, nous n’avons pas fini d’en entendre parler. La JPMorgan condamnée, Blythe Masters qui déclare en septembre dernier ne rien regretter, c’est l’occasion de parler du livre de de Pierre Jovanovic « Blythe Masters, la banquière de la JP MORGAN à l’origine de la crise mondiale ».

Avant d’y venir, un petit point d’actualité : la JPMorgan est dans le collimateur des régulateurs financiers, comme nous l’avons évoqué la semaine dernière.
La banque est condamnée à payer à 4 régulateurs financiers américains et anglais une amende de 920 milliards (200 millions à la SEC (gendarme boursier), 300 millions à son régulateur (OCC), 200 millions à la FED et 220 millions à l’autorité boursière anglaise FCA). Une réprimande plus qu’une lourde sanction, à l’échelle de cette banque mondiale.

Qu’en pense la principale intéressée ? La gourou des crédits dérivés n’est même pas désolée, , elle ne regrette rien et reste dans un déni perpétuel, selon cet article du Bloomberg BusinessWeek.

Pourtant cette dernière a été soupçonnée d’avoir manipulé le cours de l’argent (avant d’aller faire une razzia de l’argenterie disponible chez Christie’s à ce moment-là !), d’avoir fait subir une perte énorme dans une négociation de charbon, et de fausses  et trompeuses déclarations sous serment dans une négociation d’électricité…

Blythe Masters, la banquière de la JP Morgan, de Pierre Jovanovic (éditions Le jardin des Livres, 2010)
Cela fait un moment que nous avons en notre possession l’ouvrage de Pierre Jovanovic. A titre très personnel je l’avoue, j’ai attendu que les CDS et leurs conséquences catastrophiques sur la finance mondiale refassent surface (il ne fallait pas attendre bien longtemps) pour évoquer le livre de Monsieur Jovanovic. Une simple fiche lecture aurait peut-être eu moins d’impact si elle n’avait pas été étayée par une actualité forte et concrète comme la condamnation de la JP Morgan.

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Le livre de Pierre Jovanovic aurait peut-être alors paru irréel, trop subjectif, trop romancé, pas assez documenté sur le fond, les preuves…

En même temps, peut-on réaliser qu’en 2010, à peu près au moment où il a rédigé son livre, il restait encore « 4,3 millions de maisons (…) en retard de plus de 90 jours soit en cours de saisie » ? (cf. Rapport novembre 2010 de LPS Applied Analytics). Une dette de 860 milliards de dollars à elle seule…

Mais si on ramène cette somme astronomique à l’échelle plus humaine du quotidien, à la réalité des fins de mois plus difficiles à boucler, des conditions d’accès plus difficile à la propriété, de plus d’impôts à payer, le livre de Jovanovic prend tout son sens et permet de mettre un visage sur la crise qui s’est abattue sur le monde depuis 2008.

Personnellement, je trouve que l’auteur déifie un peu trop Blythe Masters et en dresse un portrait parfois trop romancé. Même avec beaucoup de dérision, on sent sa fascination de l’auteur pour cet élément féminin qui a projeté le monde dans la ruine. La banquière s’étant très peu livrée aux médias, il y a beaucoup de passages brodés autour de ces rares éléments, beaucoup de redites aussi, mais c’est aussi ce qui fait le charme du livre que l’on dévore comme un roman. Comme ces références à Muse, Dire Straits, Shelley, Boulgakov, Massive Attack… qui rendent aussi l’ouvrage sympathique et agréable à lire. Un livre divertissant, s’il ne révélait pas des choses aussi dramatiques.

Si le livre pêche à mon avis sur son manque d’objectivité, il a l’énorme mérite de rappeler les faits et d’expliquer « comment on en est arrivés là », de vulgariser des produits financiers très compliqués et de faire envisager ce qui va arriver.

Les Credit default Swaps, armes financières de destruction massive
Traduisibles par « couvertures de défaillance » ou « dérivés sur événement de crédit » ou encore de « permutations de l’impayé », que désignent en réalité les CDS ?

Pour faire simple les CDS sont des contrats d’assurance d’une incroyable perversité. Il s’agit de contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs, une assurance contre la faillite d’un état de n’importe quelle entité lambda.

Les positions de couvertures sur Credit Default Swap sont les « contrats classiques ».
A l’échelle des Etats, c’est le moyen pour un Etat qui prête de l’argent à un autre Etat de s’assurer au cas où cet autre Etat ne puisse lui rembourser l’argent prêté (s’il est en situation de défaut de paiement et qu’il fait faillite par exemple).

Pour schématiser :
A fait un prêt à B et contracte une assurance (le fameux CDS) à C au cas où B ne pourrait pas le rembourser. A verse une prime à C (subjectivement déterminée par le marché en fonction du risque encouru). Si B ne rembourse pas totalement A, C (« l’assureur ») verse à A («l’assuré ») l’argent que B n’a pas pu lui rembourser (la différence tout simplement).
Une assurance classique en fait, mais là où les CDS sont plus vicieux et pervers qu’une simple assurance c’est que l’assuré n’est pas obligé de détenir l’actif à assurer !

Ainsi un 4e élément D peut venir « s’assurer » sur le non remboursement par B à A : Il n’y a pas obligation à détenir l’actif à assurer pour l’assurer. Par exemple, la Chine peut prendre une assurance sur la faillite de la Grèce même si elle n’est pas détentrice de dette grecque.

Plus qu’une assurance, c’est un pari et si B ne parvient pas à rembourser A : jackpot pour D qui touche son assurance sans avoir encouru de risque si ce n’est le paiement de la prime de l’assurance.

Et plus il y a d’éléments qui s’assurent sur le risque de défaut de B vers A, plus le marché estime que le risque de perte est élevé et donc plus les prix de la prime montent. Du coup, si B redemande un prêt, comme il est considéré comme emprunteur à risque (vu que sa prime est élevée), on lui impose des intérêts d’emprunt très forts. B rencontre encore plus de difficultés à rembourser.

Les CDS vus par Jovanovic
Grâce à cette invention, aidées de mathématiciens financiers de la JP Morgan Bank, « Blythe Masters a mis au point la formule magique qui a transformé le papier en or et qui a rendu les banquiers complètement fous », décrit Pierre Jovanovic au dos de son livre.

Pour reprendre ses formules imagées et pour permettre de comprendre les conséquences catastrophiques de ces produits ultra toxiques à court et à long terme, au niveau mondial, les CDS sont des formules de crédits pour pauvres, pour personnes non solvables.

A l’origine, ces crédits ont été inventés pour permettre aux plus riches de s’enrichir, de disposer de liquidités quand ceux-ci en manquaient. « Sa recette s’était en effet répandue, son « outil financier », destiné au départ aux dettes d’IBM, de la Suède, de Shell, etc., a été déclinée en très bas de gamme pour y inclure même les prêts finançant la cuisine des habitants de la Cité des 4000 ».

Une des causes de la haute toxicité de ces prêts est la disparition quasi-totale du matelas de sécurité, prévu pour « amortir d’éventuels impayés » explique P. Jovanovic, violant ainsi les accords de Bâle qui exigeaient par exemple que pour un prêt de 100 millions d’euros, « les banques devaient garder dans leurs coffres (…) un matelas de sécurité de 8 millions d’euros ».

Evidemment, les banques sont complètement sorties de leur rôle, qui consistait à conserver, à garder, à sécuriser le patrimoine de leurs clients. L’argent prêté des CDS n’existe pas.
Et lorsque pleuvent les impayés, 300 000 maisons hypothéquées sont confisquées chaque mois (cf. la crise des subprimes, la « crise des prêts aux pauvres »).

Etre détenteur d’un CDS, cela revient, comme l’illustre parfaitement le magnat de la finance George Soros, « à assurer votre voisin sur la mort, et ensuite le tuer pour toucher la prime de l’assurance ». Ou encore, pour reprendre l’analogie faite avec Le Maître et Marguerite, du génial écrivain russe Mikhaïl Boulgakov, c’est comme si les gens qui avaient accepté l’argent de ces prêts maudits se retrouvaient complètement nus, une fois l’argent disparu.

Sauf que là, le monde entier est embarqué dans une histoire qui elle, ne relève pas du roman et qui va peut-être, qui sait, précipiter la chute d’un système financier qui est devenu fou…

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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