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Officiellement, plus aucun lien ne relie le métal jaune au système monétaire international. Si les banques centrales sont redevenues acheteuses nettes d’or en 2010, après que la Crise financière globale de 2008 est venue mettre un terme à la Grande modération, la demande est essentiellement due à des Etats qui n’appartiennent pas à l’OCDE. Cela fait belle lurette que les stocks officiels de la Fed et la BCE n’ont pas évolué. Dans le rapport In Gold We Trust 2020, Ronald Stöferle et Mark Valek expliquent pourquoi cette situation pourrait être amenée à changer…

Les banques centrales ont accumulé peu d’or en 2020… mais les réserves officielles continuent d’augmenter en Europe !

L’année 2020 n’a pas été très mouvementée sur le plan de l’achat d’or par les banques centrales. Comme le relèvent Stöferle et Valek (S&V), leur demande nette ne s’est élevée qu’à 270 tonnes, une baisse de 60% par rapport à 2019 (670 tonnes).

Les deux Autrichiens relèvent néanmoins que les banques centrales des pays d’Europe de l’Est n’ont pas donné leur part aux chiens dans la constitution de cette demande nette au cours des dernières années.

La Pologne « dispose actuellement d’environ 230 tonnes dans ses coffres, après des achats massifs en 2019. 100 tonnes supplémentaires seront ajoutées dans les années à venir, selon une déclaration faite par Varsovie à la mi-mars 2021 », indiquent S&V.

Par ailleurs, « La Hongrie, qui n’est pas non plus membre de la zone euro, n’est pas restée inactive et a récemment triplé ses réserves d’or. Le pays détient désormais 94,5 tonnes », relèvent les deux Autrichiens.

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Les Etats membres de la zone euro détiennent à présent environ 10 769 tonnes d’or, soit bien plus que les 8 133 tonnes des Etats-Unis – « un chiffre qui pourrait augmenter avec chaque nouveau membre de la zone euro »,font remarquer S&V.

Et si la BCE et la Fed en venaient à leur tour à acheter de l’or ?

En voilà une idée saugrenue, vous dîtes-vous peut-être… Ne serait-ce pas là reconnaître que les fondamentaux de leurs devises respectives sont quelque peu déficients ?

S&V nous racontent une tout autre histoire.

« QE heavy » : et si la BCE et la Fed achetaient de l’or ?

Cette idée est défendue par quelques voix très respectées. Par exemple, Scott Minerd, Global Chief Investment Officer chez Guggenheim, a remis cette possibilité sur le tapi en juin 2020. On la doit à Harley Bassman qui l’a développée en 2016 dans un article intitulé « Rumpelstiltskin at the Fed ». Comme l’expliquent S&V, l’ancien stratège de PIMCO y demande « pourquoi la Réserve fédérale – et les autres banques centrales – n’achèteraient pas tout simplement de l’or afin de stimuler l’inflation et l’économie. Après tout, les quantitative easings tels qu’ils ont été pratiqués jusqu’à présent sont souvent critiqués parce que l’argent reste le plus souvent bloqué dans le système financier et ne profite pas aux consommateurs. La proposition de Bassman, qui s’inspire des programmes de relance de l’époque de la Grande Dépression, prévoit que la Fed propose d’acheter de l’or à un prix nettement supérieur à celui du marché. Bassman évoque 5 000 dollars [l’once] comme éventuel prix cible. […] Certains appellent ce scénario « QE heavy ». », racontent S&V.

Vous n’aviez jamais entendu parler d’une telle possibilité ? Moi non plus, je le confesse. Et pourtant, les deux Autrichiens rappellent qu’en novembre 2014, c’était Yves Mersch, alors membre du Comité exécutif de la BCE, qui avait déclaré que « la BCE pourrait acheter de l’or ainsi que des obligations pour stimuler l’économie ».

Si cette idée vous semble toujours saugrenue, je rappellerai que depuis la crise des subprime, nous vivons à une époque où les banques centrales et les gouvernements réaffirment régulièrement qu’ils sont prêts à recourir à tous les moyens nécessaires pour arriver à leurs fins. Et la crise de la COVID a confirmé qu’ « aucune idée ne peut simplement être balayée d’un revers de la main », comme l’écrivent S&V.

Par ailleurs, cela fait des années que les banques centrales de Chine et de Russie augmentent officiellement (et sans aucun doute officieusement pour ce qui est de l’Empire du Milieu) leurs stocks d’or.

Réserves officielles d’or de la Chine et de la Russie (tonnes, 2000-juin 2021)

Pourquoi alors la Fed et la BCE, qui n’ignorent rien des actions menées par leurs homologues chinois et russes, ne proposeraient-elles pas à leur tour de mettre en œuvre une telle politique ?

La conviction de S&V risque de vous étonner : « Nous pensons que la BCE et la Réserve fédérale sont prêtes à acheter de l’or dès qu’elles le jugeront opportun – et que le monde sera choqué par cette décision.

Même si cela renforcerait le rôle du dollar américain, ce passage à un actif de réserve neutre, 50 ans après que Richard Nixon a déconnecté le dollar de l’or, serait un aveu clair que le statut d’unique monnaie de réserve de la devise américaine est derrière nous. Cela renforcerait également l’euro, qui est déjà soutenu par les plus grandes réserves d’or au monde. »

Voilà déjà de quoi nous donner à réfléchir… mais les scénarios de S&V ne s’arrêtent pas là !

Et si la Fed achetait du bitcoin ?

Voici comment les deux Autrichiens poursuivent leur réflexion : « Peut-être les États-Unis vont-ils faire preuve de leur légendaire pragmatisme en renonçant à l’or pour le bitcoin. »

L’avantage pour la Fed serait d’être le premier entrant. A ce jour, aucune banque centrale n’a fait d’achat massif de BTC et les seuls tokens détenus par les Etats ont été récoltés dans le cadre de saisies judiciaires, avant d’être bien souvent revendus.

Comme l’écrit Luke Gromen, « Si je travaillais pour le gouvernement américain et qu’on me demandait : ‘Luke, que feriez-vous pour contrecarrer ce que font la Chine et la Russie font vis-à-vis de l’or ?’ C’est simple : je laisserais Bitcoin fonctionner. J’aurais un actif de réserve plus sûr [harder] que l’or et je le laisserais filer. Je laisserais faire et je resterais simplement à l’écart, d’une négligente bienveillance. Et je laisserais Bitcoin fonctionner. »

« Le concept semble incontestablement exotique », commentent S&V, « mais comme la « guerre mondiale des monnaies » se déroule de plus en plus dans l’arène numérique, rien n’est exclu. Après tout, la Chine a elle aussi une monnaie numérique dans sa besace. Et elle est plus avancée que l’Europe et les États-Unis en la matière. »

Que voilà une parfaite transition avec mon prochain article : la semaine prochaine, le moment sera venu de nous pencher sur le yuan numérique !

A lundi !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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