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Devant l’apparent manque de réaction de l’or face au mini-krach boursier du début du mois de février, certains analystes financiers remettent désormais en question le statut du métal précieux en tant que valeur-refuge. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

Récemment, nous tentions à travers un article dédié à la brutale correction des marchés survenue au début du mois d’expliquer l’absence de mouvement haussier sur le cours des métaux précieux, tel qu’on aurait pu s’attendre à l’observer au regard des modèles standard. D’autres en ont déduit que l’or avait perdu son rôle de contre-feu face aux décrochages de la bourse. Voici quelques informations complémentaires qui permettent de comprendre à quel point cette déduction n’est pas fondée.

Un krach qui n’en était pas vraiment un…

Rappelons tout d’abord que l’or ne répond pas nécessairement aux fluctuations de la bourse lorsque celles-ci n’ont pas de cause réellement systémique. Une correction, même brutale, survenant après une longue période d’euphorie débridée et plus ou moins déconnectée de la réalité économique, cela reste du domaine de l’ajustement mécanique, sans réel changement des conditions sous jacentes. Juste un simple retour sur Terre.

Il faut également garder à l’esprit qu’une bonne partie de la baisse des valeurs boursières de ces derniers jours est essentiellement liée à la prise de bénéfices de tous ceux qui se sont réjouis de la hausse continue tout au long de l’année 2017. En soi, ce n’est pas une mauvaise nouvelle, et encore moins le reflet d’une catastrophe financière ou économique. Les investisseurs ont gagné de l’argent, ils n’avaient pas de raison de partir se réfugier vers l’or pour sauver les meubles (rappelons également que l’une des raisons d’être de l’or d’investissement c’est de pouvoir sécuriser un patrimoine en cas de difficultés économiques sur les marchés traditionnels).

Un mode de trading largement en cause

De la même façon, outre l’envie de certains investisseurs de réaliser une plus-value substantielle après une longue période de gains, la nature même du trading tel qu’il est effectué explique la baisse sévère des indices boursiers d’il y a dix jours.

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En effet, plus de la moitié des mouvements de valeurs réalisés quotidiennement sur les différentes places boursières du monde, et plus spécifiquement sur Wall Street, ne sont plus d’origine humaine. Dit autrement, les traders humains sont désormais challengés (et bientôt supplantés) par des machines, des algorithmes numériques qui font du « high frequency trading » à l’échelle de la milliseconde (pour ne pas dire de la microseconde).

Et ces ordinateurs, ces programmes informatiques qui tendent de plus en plus à se rapprocher d’une hypothétique intelligence artificielle, analysent, compilent et décortiquent des centaines de scénarios, des milliers de sources d’informations et des millions de données par seconde pour prendre des décisions avec la froideur qui les caractérisent.

Une cause mal comprise par un marché fortement automatisé

Ainsi, après l’annonce de la hausse des salaires aux États-Unis, susceptible d’inciter la FED à accélérer son programme de hausse de taux, le marché a subitement craint un retour de l’inflation dans des proportions moins favorables que ce qu’on attendait.

Sauf que ce marché, justement, ce ne sont pas les investisseurs privés dont la capitalisation cumulée ne suffirait pas à expliquer des fluctuations de 5 ou 10% en quelques heures. Ce ne sont pas non plus les investisseurs institutionnels, qui ont certes les moyens de faire bouger les lignes de manière significative, mais qui prennent davantage le temps de la réflexion et savent rester à la fois dans la mesure (une hausse des salaires reste malgré tout une donnée économique positive) ainsi que dans le respect des règles prudentielles qui leur sont imposées.

Il ne reste plus que ces fameux opérateurs virtuels à base de silicone et de lignes de code, mus par la seule logique statistique et qui manipulent des milliards de dollars ou d’euros chaque seconde en brassant un creuset de big data économiques et financières à une échelle désormais inaccessible aux êtres humains.

Une réaction des marchés injustifiée qui n’appellait pas de mouvements massifs en faveur de l’or

Par conséquent, en plus d’être inattendue, voire imprévisible, une telle réaction des marchés a pu surprendre la plupart des acteurs (on parle ici des acteurs faits de chairs et d’émotions). En outre, entre ceux qui auront pris leurs bénéfices et ceux qui n’auront pas perçu de différence notable dans la situation économique pouvant justifier un repli prudent vers les valeurs refuges, il est normal que personne ne se soit rué sur l’or.

Peut-on dès lors en déduire que l’or n’est plus une valeur refuge ? Bien sûr que non. Le fait de savoir nager ne dispense pas de porter un gilet de sauvetage lorsqu’on part en mer. Car c’est justement là le principal argument en faveur de l’or : il s’agit d’une sécurité, d’une garantie contre des retournements de tendance susceptibles plus ou moins durables susceptibles de pénaliser fortement un patrimoine investi.

L’or est une sécurité à long terme contre des problèmes durables

Or, une sécurité fonctionne en cas de danger avéré. Une alarme à incendie ne s’active que lorsqu’il y a, au minimum, de la fumée. Ici, le danger existe bel et bien, mais il ne date pas du 7 février 2018. Il est beaucoup plus ancien et prend de l’ampleur chaque jour qui passe. De fait, les investisseurs prudents ont normalement pris la mesure du problème depuis au moins aussi longtemps, et devraient avoir commencé à se positionner sur l’or de manière progressive, régulière, afin de lisser les éventuels mouvements de cours épisodiques.

Il n’y a pas eu de risque nouveau survenu brusquement le 7 février dernier, et donc aucune raison de renforcer tout aussi brutalement les positions en métaux précieux. Il s’agissait surtout d’un nouvel effet de la dégradation profonde des marchés financiers traditionnels, un phénomène désormais bien connu des investisseurs prudents et responsables qui n’ont pas attendu cette crise (et qui n’attendront pas davantage la prochaine) pour protéger une partie de leur patrimoine dans les valeurs refuges que sont l’or et les métaux précieux.

Car on n’attend pas d’être en plein orage pour installer un paratonnerre…

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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