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Baisse de la valeur de l’euro face au dollar, inflation au sommet, explosion du coût de l’énergie, récession à l’horizon : que va-t-il rester de notre pouvoir d’achat à l’ère de la « fin de l’abondance » ?

Quand les autorités publiques enfilent les habits de Churchill

C’est Emmanuel Macron qui a ouvert le bal. Le 19 août, le président rejetait le prix de la spectaculaire impréparation de l’exécutif sur le dos de la population en l’exhortant à « accepter de payer le prix de notre liberté et de nos valeurs. » Le 24 août, il enfonçait le clou en évoquant la fin de « l’abondance » et de « l’insouciance » pour la rentrée.

Rappelons qu’au mois de décembre dernier, en pleine campagne présidentielle, le visionnaire Bruno Lemaire nous promettait de nouvelles « 30 Glorieuses »

Aux Etats-Unis, c’est la banque centrale qui s’est chargée d’annoncer la mauvaise nouvelle. Le 26 août, Jerome Powell a déclaré à Jackson Hole que la Fed est prête à « faire souffrir » les ménages et les entreprises.

Elle veut juguler l’inflation, quitte à provoquer une récession – en tout cas, c’est ce qu’elle prétend.

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La récession qui pointe son nez en zone euro ne va pas arranger les choses…

Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine le 24 février, l’Institute for International Finance (IIF) prévoyait non seulement que l’euro allait tomber à parité avec le dollar, mais également que la zone euro allait sombrer en récession.

A fin août, l’IIF prévoit une croissance négative pour le deuxième semestre, ce qui aboutira à une croissance annuelle de 1%, avant une récession en 2023. Avec un consensus de Bloomberg qui anticipe 2,8% de croissance annuelle, l’Institut conclut que « Les pronostics ont […] encore beaucoup de retard à rattraper, ce qui signifie que l’euro continuera probablement à baisser ».

Pour l’IIF, la hausse des taux directeurs de 0,75% décidée le 8 septembre par la BCE ne va pas arranger la situation.

7 septembre 2022 : « La BCE est sur le point d’augmenter demain ses taux de 75 points de base et l’euro chute. Cela dit tout ce qu’il y a à savoir. Les marchés ne tiennent pas compte des hausses de la BCE et se concentrent sur la profonde récession imminente qui va engloutir la zone euro. Les hausses de taux de la BCE ne feront qu’aggraver cette récession, au lieu d’arranger la situation… »

Les Etats-Unis ont plus de chances de s’en tirer avec une croissance positive en 2023.

Ce n’est pas la seule caractéristique qui distingue les deux géants économiques.

Zone euro : inflation au plus haut (9,1%) et récession à l’horizon

Les derniers chiffres de l’inflation en zone euro sont tombés le 31 août. Ils ne sont pas beaux à voir.

Taux d’inflation en zone euro vs Taux d’intérêts à court terme (Janvier 1997 – août 2022)

A 9,1 %, l’inflation en zone euro a atteint un nouveau record (courbe rouge). Les taux courts en zone euro viennent tout juste de repasser en territoire positif (courbe bleue), ce qui aboutit à « la plus grande déconnexion entre une politique monétaire laxiste et une hausse continue des prix que le monde ait jamais connue », comme le relève Charlie Bilello.

Si vous ne voyiez pas très bien ce que signifie l’expression « être en retard sur la courbe », Christine Lagarde vous en propose ici l’illustration la plus aboutie à ce jour !

Et cela n’est pas parti pour s’arranger…

Pourquoi le pic d’inflation devrait-il être plus élevé en zone euro qu’aux Etats-Unis ?

Mi-juillet, après une chute de plus de 20% en seulement 15 mois, l’euro est retombé à parité vis-à-vis du dollar.

Le problème, c’est que la zone euro importe beaucoup plus d’énergie que les Etats-Unis, comme en témoigne ce graphique de Natixis.

Par conséquent, « le prix des importations contribue beaucoup moins à l’inflation aux Etats-Unis que dans la zone euro ; de ce fait, le pic d’inflation devrait être beaucoup plus élevé dans la zone euro qu’aux Etats-Unis », expliquait Patrick Artus le 30 août.

Du fait de la baisse de l’euro, le prix de notre production domestique se dégrade violemment face à celui de nos importations. Cette dégradation des termes de l’échange « implique un appauvrissement important de la zone euro par rapport aux Etats-Unis », conclut Natixis. Voyez un peu l’ampleur du désastre :

Si tout cela vous semble un peu théorique, alors les prix de vente du nouvel iPhone 14 devraient aider à rendre la situation plus concrète.

Et la France, dans tout ça ?

Combien allons-nous payer notre électricité l’année prochaine ?

Le 26 août, le prix libre de l’électricité en France a atteint son plus haut historique sur le marché à terme, dépassant les 1 000 € le mégawattheure, contre 85 € un an plus tôt. Heureusement, les choses se sont calmées depuis. Je n’ai pas trouvé de graphique concernant la France, mais sur ce graphique qui concerne l’Allemagne, on constate qu’au 1er septembre, le prix de l’électricité à 1 an avait diminué de près de 50% par rapport à son plus haut.

Prix de l’électricité à 1 an en Allemagne (5 août – 1er septembre 2022)

Compte tenu de la politique anti-nucléaire menée par nos gouvernements depuis au moins Lionel Jospin (sacrifice de Superphénix en 1997 sur l’autel de la « majorité plurielle »), laquelle a été portée à son pinacle à l’ère Macron (sacrifice de Fessenheim en 2020 pour coller à l’air du temps), la France peut de moins en moins compter sur l’un de ses derniers joyaux pour adoucir la facture.

Il va donc falloir subventionner encore plus en maintenant le tarif réglementé de l’électricité à niveau acceptable par la population.

Chez nous, cette subvention porte le doux nom de « bouclier tarifaire ». Celui-ci est censé nous « protéger » jusqu’au 31 décembre, après quoi « il y aura une hausse des prix de l’énergie [gaz + électricité] début 2023, mais elle sera contenue et raisonnable », a promis Bruno Lemaire le 31 août. Ce surcoût sera sans commune mesure avec le « doublement des prix » qui se produirait si le gouvernement n’intervenait pas, a précisé le ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique.

Sans doute le gouvernement ménagera-t-il la chèvre et le choux en adoptant une position intermédiaire entre les Etats qui « protègent » le plus et ceux qui « protègent » le moins leur population :

Quoi qu’il en soit, consommateur ou contribuable, gardez à l’esprit qu’in fine, c’est vous qui paierez. Mais Bruno Lemaire aimerait tout de même bien que vous le remerciez…

Les « aides » du gouvernement (mesures pouvoir d’achat 2022), loin de compenser la répression financière…

Le 1er septembre, Olivier Véran (ministre délégué à un Bidule mais surtout porte-parole du gouvernement) a indiqué que Matignon allait renforcer les mesures socialistes qui nous ont menées droit dans le mur.

Il faudra vous contenter de cela pour compenser la répression financière que vous impose le couple gouvernement + banque centrale.

Voici la forme qu’elle prend en Allemagne, avec un taux d’intérêt à 10 ans qui est repassé au-dessus de 1,5% et une inflation qui tutoie les 8%.

1er septembre : « Les taux réels (bund à 10 ans – inflation) s’établissent à -6,3 %, ce qui reste proche du niveau le plus bas jamais atteint. Les taux réels sont désormais NÉGATIFS depuis 76 mois consécutifs. »

En France, le 10 ans est à 2,13% et l’inflation à 5,8%, soit un taux d’intérêt réel de -3,67%.

A quoi s’attendre à plus long terme ?

La France fait l’objet d’un mal bien connu mais son médecin refuse de lui administrer le remède

Rien de tout cela ne nous guérira de notre maladie hollandaise, c’est-à-dire la « situation où la structure de l’économie se déforme de l’industrie vers les services peu sophistiqués », comme l’explique Natixis.

On peut certes se contenter d’un taux de chômage en baisse et d’un taux d’emploi en hausse. Mais « la qualité de cette économie se dégrade : recul de l’emploi industriel, recul de la capacité à équilibrer le commerce extérieur, recul du niveau moyen des emplois, stagnation de la productivité. Le niveau de de vie du pays par rapport à des pays qui ne subissent pas tous ces symptômes de la maladie hollandaise recule », explique Patrick Artus. C’est un choix politique.

Notez que Natixis a eu pitié de nous pauvres lecteurs français et nous a épargné la courbe qui représenterait le PIB suisse par habitant. Sachez que contrairement à l’image d’Epinal d’une économie qui ne prospérerait que grâce à son activité financière, l’industrie pèse plus de 25% dans le PIB helvète, contre 13% dans le PIB français. (Dans un élan de mansuétude, je passerai sur les chiffres des niveaux de vie.)

Quand le personnel politique n’est plus ni responsable, et encore moins coupable de quoi que ce soit

Bref, comme l’écrit Bruno Bertez, « la situation se prête bien au discours austéritaire : la monnaie chute, les taux d’intérêt montent, les prix galopent, la guerre fait rage en Ukraine. Tout cela sert de ragougnasse intellectuelle pour alimenter les propos de Macron. Il résume tout cela en annonçant « la fin de l’abondance […] »

L’abondance, c’est comme la météo. Quelquefois il pleut, quelque fois il fait soleil ! On n’y peut rien, cela tombe du ciel, c’est l’Autre qui en est responsable. L’abondance disparait, « il » ne tombe plus d’abondance ; « il » tombe des emmerdes. Et personne bien sûr n’en est responsable, surtout pas la clique qui a gouverné, creusé les dettes et plombé le commerce extérieur par un réglage imbécile de la demande domestique.

Avant il y avait une ère d’abondance, maintenant il y a une ère de privation. Cela tombe du ciel, cela vient d’ailleurs. Personne n’est responsable des débauches de dépenses budgétaires préélectorales, personne n’a décidé de stopper la production pendant le Covid tout en distribuant du pouvoir d’achat sans contrepartie.

Personne n’a décidé de participer à la guerre en Ukraine par le biais de sanctions qui se sont retournées contre nous et sont tellement infames que nous sommes obligées de les contourner en payant plus cher ce que nous avions auparavant à bon marché.

Personne n’est responsable de la politique laxiste qui fait délibérément baisser le pouvoir d’achat international de l’euro afin de que les Européens s’appauvrissent encore plus.

Personne n’ose dire que la BCE complice des gouvernements incapables dévalue cyniquement la monnaie et que cette dévaluation impose un plan d’accompagnement par l’austérité.

L’inflation ampute le pouvoir d’achat des salariés européens dans des proportions supérieures à ce que ferait la fiscalité si elle était augmentée. […]

Ce dont vous souffrez et allez souffrir, c’est la conséquence des erreurs et des fautes qui ont été commises et sur lesquelles vous n’avez eu aucune prise. »

Bref, notre pouvoir d’achat va baisser, et cela n’est pas la faute à pas de chance.

Et le cours de l’or, dans tout cela ?

Pour rappel, une inflation qui augmente et une croissance économique qui diminue, cela s’appelle une stagflation – la tempête parfaite pour que le cours de l’or se déchaîne !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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