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Chaque année, l’actualité du monde de l’art relate la redécouverte d’un chef-d’œuvre (un tableau, un objet d’art) oublié, perdu, volé ou, tout simplement, jamais identifié comme tel. Pourquoi serait-ce différent dans le monde des pièces d’or ? Cette pièce que vous avez entre les mains a une histoire, parfois banale. Quand cette histoire est exceptionnelle, elle peut faire passer sa valeur de quelques milliers d’euros à plusieurs millions.

Plusieurs éléments entrent alors en ligne de compte pour définir cette valeur : le millésime et l’atelier de fabrication, mais aussi, et c’est très important, l’état de conservation. C’est cette exception que vont chercher les investisseurs. L’évolution vertigineuse du prix de ces monnaies rares montre que, en dépit des sommes astronomiques engagées, le placement peut se révéler extrêmement rentable.

Le cas des pièces d’or américaines en est un exemple frappant dont nous donnons ici quelques spécimens. Et là, je ne vous parle pas de pièces numismatiques, mais de spécimens de monnaies de placement dont la typologie vous est probablement tout à fait familière. Quelles sont ces pièces d’or particulièrement rares ?

Ce qu’il faut retenir :

  • Plusieurs éléments caractérisent une pièce particulièrement remarquable : sa frappe ultra-limitée, son état de conservation mais aussi une histoire incroyable.
  • Ces pièces d’or peuvent atteindre une valeur qui augmente de manière exponentielle et continue.
  • C’est le cas de la Double Eagle Saint-Gaudens 1933 et de la Double Eagle Liberty de 1861.

La Double Eagle Saint-Gaudens 1933 : le record de la pièce d’or la plus chère !

Aujourd’hui, la pièce la plus rare au monde est un Double Eagle « Saint-Gaudens » (du nom de son créateur) au millésime 1933. Le cours actuel d’une pièce standard de ce type oscille habituellement autour de 2 000/2 100 euros. Pourtant, celle-ci a atteint une valeur de 18 872 250 dollars lors de son dernier passage en vente public, en 2021. Pourquoi ? Parce que c’est, à ce jour en tous cas, le seul exemplaire « privé » en circulation. Pourtant, elle a été frappée initialement à 445 500 exemplaires par la Monnaie de Philadelphie. À cette époque, nous sommes encore sous le choc de la grande crise de 1929 et le gouvernement américain veut enrayer la spéculation et la thésaurisation. Pour ce faire, le président Roosevelt signe l’Executive Order 6102 du 5 avril 1933 qui, globalement, interdit la détention d’or aux USA par des particuliers. Ce qui est confirmé l’année suivante par le Gold Reserve Act. Du coup, ordre est donné de refondre ces Double Eagle de 1933 à l’exception de deux exemplaires destinés à la collection numismatique nationale du Smithsonian Institute. Bref : cette pièce n’a jamais officiellement été mise en circulation et n’a donc aucune existence légale en tant que telle.

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Bon à savoir : La Double Eagle Liberty de Saint-Gaudens est l'une des pièces d'or emblématiques des États-Unis. Elle a été émise de 1908 à 1933, et pèse 33,43 g pour un titre à 900 millièmes et un diamètre de 34 mm.

Mais entre-temps, une vingtaine d’exemplaires avaient disparu et été revendus à des collectionneurs. Une longue enquête du FBI s’ensuivit qui permit, à priori, de les retrouver patiemment toutes, sauf une. Celle-ci aurait bénéficié, par erreur, d’une autorisation d’exportation en 1944 au profit d’un grand collectionneur de l’époque, le roi Farouk d’Egypte. Ce souverain est renversé en 1952 par Nasser et ses collections sont dispersées aux enchères. La pièce disparaît alors des circuits commerciaux. Elle réapparait en 1996 à New York, entre les mains d’un numismate professionnel britannique et elle est immédiatement saisie par le Trésor américain. S’ensuit une procédure judiciaire qui aboutit à un accord en 2001. Elle est vendue aux enchères, le Trésor américain touche la moitié de la somme et le propriétaire britannique l’autre moitié.

Pendant toute la durée de la procédure, la pièce est mise en sécurité dans les coffres du World Trade Center. Elle en sort deux mois à peine avant les attentats du 11 septembre pour rejoindre Fort Knox. Sa vente se tient le 30 juillet 2002 et elle atteint la somme de 7,6 millions de dollars, soit le double du prix de la pièce américaine la plus chère à cette époque. L’acquéreur reste anonyme mais on a découvert depuis qu’il s’agissait du collectionneur Stuart Weitzman. Il la conserve jusqu’en 2021, date à laquelle elle atteint ce prix de 18 872 250 dollars, c’est-à-dire deux fois et demi plus cher qu’il ne l’avait acquise.

À noter : ce type de pièce connaît d’autres raretés, comme la 1907 "haut relief" (20 exemplaires connus) vendue 4,4 millions de dollars en août 2023 ou la 1927, atelier de Dallas (14 exemplaires connus), vendue 4,4 millions de dollars en 2022.

Une Double Eagle Liberty de 1861, vendue plus de 7 millions d’euros

Autre monnaie de placement à priori tout à fait courante : la Double Eagle Liberty, dont le cours actuel d’une pièce émise entre 1850 et 1907 oscille entre 2 000 et 2 100 dollars. Il s’agit de la première pièce d’or américaine et elle a été dessinée par James B. Longacre. En 2021, une pièce qui avait été frappée en 1861 par la Monnaie de Philadelphie a été vendue 7,2 millions de dollars.

Bon à savoir : La Double Eagle Liberty de Longacre présente les mêmes caractéristiques que la Saint-Gaudens, avec un titre de 900 millièmes, un poids de 33,44 g et un diamètre de 34 mm.

Même question : pourquoi un tel chiffre ? Et un peu la même réponse : il n’en existe qu’un spécimen disponible sur le marché. En 1860, on a demandé au graveur-adjoint de la Monnaie des États-Unis, Anthony C. Paquet, d’améliorer le dessin original de cette pièce. Il y travailla rapidement, mais il y eut, au moment où devait commencer la frappe, en janvier 1861, un problème de coin. Celui du revers ne s’ajustait pas bien avec celui de l’avers et un travail supplémentaire d’outillage était nécessaire. Deux ateliers monétaires, San Francisco et Philadelphie, reçurent ces coins et signalèrent ces problèmes qui ralentissaient considérablement la fabrication et, par exemple, ne permettaient pas d’empiler correctement les pièces frappées.

Le directeur de la Monnaie américaine, James Ross Snowden, pressé par la demande du marché, décida donc d’arrêter immédiatement cette fabrication et de réutiliser les coins antérieurs pour poursuivre la frappe. Son message mit du temps à arriver à la Monnaie de San Francisco, si bien que 19 250 pièces de ce type y furent frappées et mises en circulation. Ce qui en fait tout de même un millésime rare et recherché, surtout en bon état de conservation car les défauts de fabrication ont accéléré l’usure de ce type. En revanche seuls deux exemplaires furent frappés à Philadelphie. Cette pièce apparaît pour la première fois dans une vente publique de 1865 où elle est acquise pour 37 dollars. On en connait le pedigree de manière continue jusqu’à ce que, à nouveau, on la retrouve dans la collection du roi Farouk. Elle passe ensuite dans la collection Henry Norweb et, à sa mort en 1988, elle est vendue pour 660 000 dollars. En 2003, elle est acquise pour deux millions de dollars dans une transaction privée. Enfin, en 2021, elle est vendue aux enchères pour 7,2 millions de dollars, c’est-à-dire 3,5 fois plus que sa précédente transaction.

Mais aussi une Maple Leaf de 100 kg d’or !

Pour l’anecdote, signalons aux amateurs de la Maple Leaf, la pièce d’or canadienne à la feuille d’érable, qu’elle se décline aussi dans une pièce de 100 kg ! Cette pièce de placement frappée en 2007 présente un titre de 999 millièmes et il s’agit d’un très grand modèle puisqu’elle présente un diamètre de 50 cm. Sa valeur faciale est d’un million de dollars. En 2010, cette Maple Leaf a été vendue 4,02 millions de dollars.

À l’époque, il s’agissait de la plus grosse pièce d’or jamais émise. 6 exemplaires ont été fabriqués dont un a été volé (et probablement refondu) lors d’une exposition au Bode Museum de Berlin. Pour les 5 autres : un exemplaire est conservé par la Monnaie royale canadienne et les autres propriétaires actuels seraient deux particuliers aux Émirats arabes unis, ainsi qu’une société d’investissement et… la famille royale d’Angleterre.

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Bruno Collin
Elève d’Emmanuel Le Roy Ladurie, Docteur en histoire économique et monétaire, expert numismate et journaliste. Auteur d’une quinzaine d’ouvrages et de plusieurs centaines d’articles sur ce sujet, il analyse la monnaie sous tous ses multiples aspects : historique, valeur, économique, support de propagande, nerf de la guerre, objet de placement, techniques de fabrication, métaux...

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