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Le shadow banking, ou littéralement « finance de l’ombre », pèse de plus en plus lourd dans l’économie internationale. Mais cette finance parallèle représente aussi un risque majeur pour le système bancaire traditionnel… surtout dans un contexte économique international où les indicateurs passent déjà au rouge.

Le shadow banking : définition et fonctionnement

Dans le monde de la finance, on distingue le système bancaire classique du « shadow banking ». Cette finance de l’ombre, ou finance fantôme, n’est rien de moins qu’une finance parallèle. Elle regroupe les opérations financières réalisées en dehors des bilans des banques. On parle aussi de finance « déstructurée ».

Mieux comprendre le shadow banking avec un exemple

Pour mieux comprendre la définition du shadow banking et son fonctionnement par rapport au système bancaire classique, on peut évoquer le cas habituel d’un particulier qui se tourne vers sa banque pour certains besoins de financement. Une demande de prêt immobilier par exemple, ou un prêt à la consommation pour un achat de voiture ou pour un projet personnel. Pour répondre à ce type de demande, la banque puise dans les dépôts bancaires, mais également dans les liquidités que procurent les banques centrales. L’emprunteur rembourse une somme convenue tous les mois, avec un taux d’intérêt plus ou moins élevé. L’établissement bancaire absorbe ensuite une partie des bénéfices dans ses fonds propres. Elle conserve surtout la trace de l’ensemble de ses transactions dans ses bilans : les banques sont soumises « à toute une série d’astreintes et de règles prudentielles » (source).

Le shadow banking explore le système des banques parallèles

Pour répondre à ces réglementations, les banques ne sont pas autorisées à avoir des créances que l’on pourrait qualifier de « douteuses ». Depuis les années 80, on assiste donc à une multiplication des opérations de titrisation, c’est-à-dire de la transformation de créances en titres financiers. Les opérations sont ainsi sorties des bilans financiers des banques, avec un taux d’intérêt plus élevé pour les plus risquées.

Cela va encore plus loin. Le shadow banking regroupe ainsi tous les grands acteurs financiers qui n’ont pas accès au refinancement des banques centrales et qui n’ont pas de pouvoir de création monétaire. Des fonds divers et variés : « sur le papier, nombre d’entre eux sont connus et bien répertoriés », relève ainsi Challenges.fr. « Des banques d’affaires, des fonds d’investissement, des gestionnaires d’actifs, des sociétés de garantie de crédit, des sociétés d’affacturage etc. » Puisqu’elles ne sont plus effectuées dans le cadre bancaire traditionnel, ces activités financières ne sont plus réglementées.

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Cette vidéo réalisée par LeFigaro permet également de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre.

Quel est le poids du shadow banking en France et sur les finances internationales ?

La finance de l’ombre s’est fortement développée dans les années 80 mais l’essor est encore plus fort depuis les années 2000. Le système présente en effet des avantages pour les acteurs financiers : pas (ou très peu) de réglementation, de la discrétion, des marges plus intéressantes. Et les renforcements de la régulation bancaire, qui suivent directement les crises – comme cela a été le cas en 2008, augmentent l’attrait des acteurs financiers pour le shadow banking.

Si bien qu’il devient difficile aujourd’hui d’estimer le poids de cette finance de l’ombre. En 2017, un rapport du Conseil de stabilité financière (FSB – Financial Stability Board) avançait un capital équivalent à 92 000 milliards de dollars. Soit près de 30 000 milliards de plus qu’en 2007… un an avant la crise des subprimes et l’écroulement du système. « Après avoir chuté jusqu’en 2011 sous l’effet de cette crise, la finance parallèle est repartie de plus belle…. », relevait Boursier.com après la publication de ce rapport de la FSB. L’une des raisons avancée par les spécialistes, c’est que finalement, le shadow banking se nourrit de la réglementation bancaire et financière. « Plus la réglementation se durcit, plus le shadow banking – déversoir des risques bancaires – se développe et se technicise », relevait Le Figaro en 2015. Trois ans plus tard, cela continue à se vérifier.

Les mauvais élèves de la finance de l’ombre

En plus du volume que représente le shadow banking, les autorités relèvent un très grand risque pour des pays qui sont fortement dépendants à cette finance hors système bancaire. Ainsi, les îles Caïmans sont particulièrement nourries par cette finance (70% de la part totale des actifs financiers du pays), mais plus près de nous l’Irlande est perfusée par ces milliards d’actifs financiers non régulés, dans une moindre mesure, le Luxembourg et les Pays-Bas le sont aussi.

Comment réguler le shadow banking ?

En 2010, le G20 a commencé à se pencher sur une meilleure maîtrise du shadow banking, en créant le Conseil de stabilité financière (FSB). Mais depuis, les choses n’ont pas réellement avancé et le FSB peine toujours à estimer les chiffres réels et « rien de concret n’a juridiquement abouti », estime l’économiste Jean-Yves Archer dans Les Echos.

Selon les estimations du FSB, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la zone euro détiennent une majorité des actifs qui constituent la finance de l’ombre. Mais d’autres puissances économiques y émergent aussi de plus en plus. C’est le cas de la Russie, de la Chine, de l’Inde… Ainsi, le Monde se penchait en 2017 sur les premiers chiffres du shadow banking en Chine. Un secteur qui atteignait alors 7 060 milliards d’euros, mais qui s’étendait rapidement. Et « la rapidité avec laquelle il s’étend devient une préoccupation pour les régulateurs chinois et à l’étranger, inquiets du risque systémique caché. »

Pourquoi le shadow banking fait peur ?

D’où viennent ces inquiétudes face à la finance de l’ombre justement ? Précisément du système. Il répond aujourd’hui à des besoins des emprunteurs et des investisseurs, et il contourne des réglementations jugées trop sévères ou trop restrictives par certains gros investisseurs. C’est un rouage du système « crédit – consommation – croissance ». Et lorsque tout se passe bien, ce rouage tourne sans problème.

Mais il a deux inconvénients majeurs. D’abord, il représente un poids de plus en plus important dans l’équilibre financier mondial. En 2015, il pesait « un quart des actifs financiers mondiaux, la moitié du poids du système bancaire traditionnel, et l’équivalent du PIB mondial annuel. » (source) Ensuite, il est au cœur d’une interdépendance de l’ensemble des acteurs financiers. Si un seul maillon vient à se rompre, c’est toute la chaîne qui est menacée. Et en bout de chaîne, on retrouve la banque traditionnelle… et l’emprunteur qui paie aussi les pots cassés. Le risque est systémique !

Risque systémique, l’exemple des subprimes en 2008

Et c’est déjà précisément ce qui s’est passé en 2008, lorsque la crise des subprimes aux Etats-Unis a fini par provoquer une panique sur les marchés américains, puis sur l’ensemble des économies mondiales. Bien sûr, si le rouage est petit, une banque peut être sauvée par l’Etat. « Une échelle de grandeur s’impose : la finance de l’ombre représente près de 3 fois le montant du mécanisme de sécurité bancaire mis en place par l’Union européenne », rappelle Jean-Yves Archer en guise de conclusion. J’ajouterai aussi que dix ans après la crise, tous les indicateurs passent déjà au rouge, à un moment où le shadow banking n’est toujours pas réglementé… dans un contexte de surendettement et d’économies zombifiées

En 2018 : ne dites plus Shadow Banking !

Dans le rapport du 2018 du FSB (publié en février 2019) il est décidé de ne plus utiliser le terme « Shadow Banking » mais l’expression « non-banking financial intermediation » ( NBFI) que l’on peut traduire par « l’intermédiation financière non bancaire ». L’objectif de l’association (qui regroupe un certain nombre de banquiers centraux) avec ce changement de terminologie est de,  je cite : « renforcer la résilience de l’intermédiation non bancaire ». En d’autres termes « la finance de l’ombre » ou le « shadow banking » traîne une image de pratiques sulfureuses qui n’est pas obligatoirement adaptée à l’ensemble des métiers de la finance « non bancaire » pour le FSB.

2019 : Innovation et crypto-monnaies

La raison de ce changement de nom c’est la multiplication des innovations dans la finance non-bancaire. Et parfois, elles sont plutôt vertueuses. Elles peuvent avoir finalement comme raison d’être de suppléer ou de fluidifier les fonctionnements des banques. L’exemple français le plus connu, c’est par exemple le compte nickel. Il a été créé pour permettre aux « interdits bancaires », aux rejetés du système bancaire de bénéficier de moyens de paiement électroniques : carte de paiement ou IBAN pour les achats sur Internet. C’est la définition même d’une activité « non bancaire », donc du shadow banking. On a bien compris qu’il ne s’agit pas de détourner des fonds ou de blanchir le fruit de trafics en tout genre. Les responsables et les autorités de la finance mondiale ont pris le parti de ne plus interdire ces activités mais de les connaître pour contrôler leur fonctionnement. D’ailleurs, le « compte nickel » a été racheté au final par BNP Paribas. Dans la finance, à la fin c’est la banque qui gagne ?

Crypto et tokens, la révolution

L’autre grande tendance, c’est le développement des « crypto-asset » et des tokens, vers une société sans cash. Des valeurs qui ne sont pas des unités de compte ou de la monnaie sonnante et trébuchante. La grande tendance depuis quelques mois, c’est de créer des « tokens », de la monnaie numérique qui repose sur des actifs tangibles comme l’or, qui s’accumule en « travaillant pour la communauté ou que l’on achète avec des euros ou autre devise. Les jeunes joueurs de jeux vidéo connaissent bien ce principe. Ils vont être rémunérés pour agir dans le jeu avec des points de vie ou d’expérience ou bien encore des équipements pour leur personnage. Peut-on parler d’activité frauduleuse dans ce cas là ?

Le citoyen reprend le pouvoir sur la finance : Crédit Peer-to-peer, crowdfunding

Là aussi, on évite le système bancaire. Le crédit peer-to-peer, c’est vieux comme le prêt d’argent entre individus. On met en relation via une plateforme internet des prêteurs et des emprunteurs. La plateforme joue le rôle d’intermédiaire. Les premières solutions ont été développées il y a une dizaine d’années. Les banques ont tiré à boulets rouges contre ces « barbares » qui venait puiser dans le business du crédit. Puis, là aussi, les offres se sont professionnalisées et au final, les banques traditionnelles n’ont eu de cesse de racheter ces « start-up ».

Dernière exemple, l’investissement en crowdfunding. Là, c’est le gendarme des marchés financiers qui bloquait le processus. L’appel public à l’épargne était très réglementé à juste titre. Le principe étant de protéger le citoyen des investissements hasardeux ou portés par des personnes peu scrupuleuses. Mais voila, la volonté du citoyen d’investir directement dans des projets (culturels, environnementaux) ou dans des entreprises était de plus en plus forte. Alors, plutôt que de voir arriver des acteurs un peu « border line », le législateur a préféré organiser et réglementer le crowdfunding, le financement par la foule.

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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