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À chaque crise du plafond de la dette fédérale américaine, ce serpent de mer rejaillit en tant que solution miracle. Alors, le problème budgétaire de l’Oncle Sam pourrait-il être résolu grâce à une pièce magique ?

Pour y répondre, il faut commencer par rappeler quelques chiffres.

Dette fédérale américaine : où en est-on ?

En juillet 2024, la dette fédérale américaine a dépassé la barre des 35 trillions $ (soit 35 000 Mds$), comme le rapportait alors le New York Times.

Fin 2023, le ratio dette publique/PIB américain se montait à 123%, selon les chiffres du Département du Trésor.

En août 2024, les seuls intérêts sur la dette publique américaine sur 12 mois ont atteint le montant record de 1,2 trillion $ (1 120 Mds$), doublant ainsi en deux ans. Au rythme actuel, ils pourraient bientôt constituer le poste du budget fédéral, dépassant celui de la sécurité sociale.

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Bref, Washington a un sérieux problème de surendettement… et cela ne date pas d’hier !

L’idée de la fameuse pièce de platine de 1 trillion de dollars remonte à… 1992 !

L’idée que le département du Trésor frappe une pièce et l’envoie à la Réserve fédérale pour rembourser la dette a été popularisée par le candidat Bo Gritz (Parti populiste) lors de sa deuxième course à la Maison Blanche en 1992.

Puis Carlos Mucha, un avocat qui commentait divers blogs sous le pseudonyme beowulf, a été le premier à formaliser le concept de “trillion dollar coin” en mai 2010.

L’idée a ensuite refait surface lors de la crise du plafond de la dette de 2011, attirant l’attention de la presse financière à la fin du premier mandat de Barack Obama, pour finalement être rejetée par la Fed et le Trésor début 2013.

Réintroduite à plusieurs reprises par différentes personnalités politiques, elle fait depuis régulièrement la une de la presse économique. En janvier 2013, elle a en particulier obtenu le soutien du prix Nobel d’Économie 2008 Paul Krugman.

Pourquoi une pièce de platine à 1 trillion $ ?

C’est une alternative au relèvement du plafond de la dette. L’objectif est de contourner l’obstruction d’un camp politique (démocrate et républicain) au Congrès, donc une impasse budgétaire.

Alors que l’émission de papier-monnaie et de pièces en or et en argent est soumise à diverses restrictions parlementaires mais aussi comptables et quantitatives, cela n’est pas le cas de la frappe de pièces de platine, qui peut être décidée par le pouvoir exécutif et avoir lieu sans limite de dénomination.

Ainsi, grâce à la frappe d’une pièce de platine de très grande valeur (plusieurs milliers de milliards de dollars), Washington pourrait légalement augmenter ses recettes sans contrôle du Congrès. L’État fédéral pourrait ainsi, selon certains, poursuivre son activité sans perturbation, et ce sans augmenter les impôts ou réduire les dépenses publiques. Magique !

Une pièce de platine à 1 trillion $ : comment ça marche ?

En pratique, il suffirait que le Département du Trésor ordonne à l’US Mint de créer une pièce de platine d’un trillion de dollars (soit 1000 Mds$) ou plus, laquelle serait déposée à la Fed, après quoi le Gouvernement fédéral pourrait émettre des chèques en contrepartie de cet actif.

Cela permettrait potentiellement de faire sortir du néant suffisamment d’argent pour couvrir sinon une grande partie de la dette publique américaine, en tout cas une grande partie des intérêts annuels sur la dette.

Problème résolu ?

Évidemment, les choses sont beaucoup plus compliquées qu’il n’y paraît à première vue…

Pourquoi cela pose problème ?

Au moins pour trois raisons.

La remise en cause de l’équilibre politique

Ce stratagème comptable repose sur une faille d’une loi de 1996 portant sur les pièces commémoratives[1]. Le recours à un tel procédé serait donc mal vu politiquement, puisqu’en outrepassant aussi indélicatement le Congrès, le Trésor remettrait en cause le système de pouvoirs et de contrepouvoirs entre les différentes institutions américaines.

Le risque pour les finances publiques

S’il était fait recours à un tel tour de passe-passe comptable, il s’agirait alors pour les Etats-Unis non pas d’emprunter de l’argent en émettant des obligations par le biais du Trésor, mais de frapper une pièce, ce qui peut faire penser aux opérations d’assouplissement quantitatif (QE) de la Fed.

Il y aurait cependant deux grandes différences entre ces deux procédés.

Tout d’abord, avec une pièce de platine, Washington n’aurait plus à rembourser d’obligations figurant au bilan de la Fed. Au lieu d’emprunter des dollars en émettant des titres du Trésor pour que la banque centrale les monétise ensuite, le Gouvernement créerait lui-même de l’argent sans passer par l’intermédiaire de la Fed.

Rien ne protégerait alors plus les finances publiques américaines de la dégradation. Les déficits pourraient continuer à galoper… encore plus vite qu’aujourd’hui !

On pourrait même imaginer une solution encore plus ahurissante. Comme l’a imaginé l’économiste Robert Murphy, plutôt qu’une pièce de platine, le Trésor pourrait déposer à la Fed… un simple trombone !

Dans un cas comme dans l’autre, la conséquence pratique serait évidente.

La hausse de l’inflation : quand le coût de la vie devient cher…

C’est la deuxième grande différence entre les pièces de platine et le QE.

Ici, l’argent créé à partir de rien serait injecté directement dans l’économie américaine, et contribuerait ainsi à créer de l’inflation des prix à la consommation, là où les QE ont débouché sur de l’inflation des prix des actifs, c’est-à-dire sur la création de bulles d’actifs.

Si ce subterfuge était utilisé, une nouvelle boîte de Pandore serait donc ouverte.

Contre l’éventualité de cette pièce de monnaie en platine bidon, protégez-vous avec… l’achat de pièces d’or !

Sous des apparences complexes, l’idée d’une pièce de platine à plusieurs trillions de dollars est une idée aussi simple que stupide. Une recette réchauffée dont l’histoire économique a déjà soupé à maintes reprises.

Une telle opération de seigneuriage fonctionnerait à court terme mais ne résoudrait pas le problème du surendettement public américain à moyen long terme. Elle aboutirait simplement à l’augmentation de la masse monétaire et à la cavalerie budgétaire, ce qui déboucherait sur une inflation accrue.

Il n’est donc pas étonnant que cette proposition de pièce bidon soit défendue par des économistes keynésiens et néokeynésiens comme Paul Krugman, et les tenants de la Théorie monétaire moderne.

Faut-il acheter du platine, du palladium, de l’argent, des lingots d’or ? Quels bienfaits ? Où en trouver en France ?

Dans l’hypothèse où les pièces de platine deviennent à la mode du côté des autorités publiques, les épargnants auraient très bon compte à se protéger… avant tout avec des pièces d’or !


[1] Conformément à la loi 31 USC 5112 (k) : « Le secrétaire au Trésor peut frapper et émettre des pièces d’investissement en platine conformément aux spécifications, dessins, variétés, quantités, dénominations et inscriptions que le secrétaire, à sa discrétion, peut prescrire »

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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