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Dans leur rapport In Gold We Trust 2021, Ronald-Peter Stöferle et Mark J. Valek (S&V) confirmaient leur diagnostic de l’année précédente : « Nous serions surpris si les 10 ou 20 ans à venir ne s’avéraient pas être parmi les meilleures décennies de la longue histoire de l’argent ». Depuis, le cours du métal gris a sévèrement décroché. Comment les deux Autrichiens expliquent-ils cette contre-performance ? Et surtout, à quoi s’attendre dans les années et les décennies à venir ?

Pourquoi le cours de l’argent n’a-t-il pas grimpé, avec toute cette inflation ?

Depuis août 2020, le cours de l’argent a trouvé deux obstacles sur son chemin :

  • « La stagnation des taux d’intérêt réels [qui] freine le cours nominal de l’argent » ;
  • Le manque d’inflation monétaire.

Cours de l’argent en dollars (2018 – 30/09/2022)

D’août 2020 à février 2021, l’argent a surperformé l’or. Puis le rapport de force entre les deux métaux s’est inversé.

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Cours de l’argent en dollars (jaune) et en euros (bleu), 09/2020-08/2022

C’est ainsi que le ratio or/argent s’est effondré entre début 2020 et le 26 février 2021 (force relative de l’argent face à l’or sur fond d’anticipation d’expansion monétaire) pour faire un plus bas aux alentours de 65, avant de remonter (force relative de l’or face à l’argent sur fond de déflation monétaire, « le type de situation que l’on observe en cas de dépressions mondiales ou de grandes pénuries monétaires », précisent S&V) aux environs de 84 lors de la sortie du rapport IGWT 2022, pour se situer à présent autour de 88.

Comme le précisent S&V, « un ratio en hausse et la sous-performance de l’argent [par rapport à l’or] sont tout à fait logiques de ce point de vue. Les conditions monétaires ont basculé de la reflation au reflux monétaire. […] Les avertissements monétaires n’ont fait que s’intensifier depuis lors : le dollar a commencé à s’apprécier en juin 2021 […] et la courbe des taux du Trésor américain (taux à 2 ans contre taux à 10 ans) s’est inversée le 1er avril 2022. »

Pour résumer, à la question « Pourquoi l’argent n’a pas grimpé, avec toute cette inflation ? », S&V répondent : « Parce que ce n’était pas de l’inflation monétaire, c’était une augmentation des prix à la consommation. »

Quid de la suite ?

« Le futur est inflationniste » : pour S&V, le cours de l’argent est voué à augmenter jusque dans les années… 2040 !

Dans leurs derniers rapports IGWT, les deux Autrichiens ont expliqué en long, en large et en travers pourquoi la politique budgétaire est vouée à passer le témoin à la politique monétaire dans la grande course à l’avilissement de la monnaie.

Pour eux, cela ne fait aucun doute : « Le cours de l’argent augmentera de concert avec une inflation monétaire persistante et généralisée. Ce n’est pas ce dont nous avons été témoins jusqu’à présent, mais cela nous pend au nez », écrivent-ils.

Et pour cause, l’inflationnisme monétaire est « l’option la plus humaine et la plus politiquement réalisable pour faire face aux inégalités et au poids des dettes privées et publiques. »

D’ailleurs, « la prochaine crise est déjà à nos portes : Russie/Ukraine/OTAN. » Pour S&V, « ses conséquences, considérables, convaincront certainement les dirigeants que l’ordre ancien (assouplissement quantitatif, mondialisation, institutions de l’époque de la Seconde Guerre mondiale) doit être abandonné et qu’un ordre nouveau (prêts bancaires garantis par le gouvernement, approvisionnement local, revenu de base universel) doit être façonné. »

Et si la prochaine crise n’était pas encore la bonne ? Alors cela ne serait que partie remise : ce ne sont pas les candidats qui manquent pour que les autorités publiques basculent dans l’inflationnisme, dans le cadre d’un changement de paradigme façon Fourth Turning. (S&V font ici référence à la théorie générationnelle de William Strauss et Neil Howe.)

Voici comment S&V concluent le chapitre qu’ils dédient au métal gris : « Si l’on se fie aux cycles passés, l’argent sera entraîné par l’or tout au long des années 2020 au gré des bouleversements géopolitiques et socio-économiques. Cela signifie une [demande positive] des particuliers (pièces, lingots) […] et des gouvernements (réserves). Ensuite, l’argent prendra le relais et sera poussé par les vents chauds de l’inflation pendant une ou deux décennies, alors que les gouvernements brûleront les dettes privées et publiques par le biais de la répression financière. »

Et les deux Autrichiens de terminer sur une touche d’humour : « Nous sommes optimistes au sujet de l’argent jusque dans les années 2040 – mais après cela, vous devrez vous débrouiller tout seuls. »

Quel objectif pour le cours de l’argent à long terme ?

Ce qu’il faut retenir de ceux deux billets dédiés à l’argent, c’est que S&V persistent et signent au sujet de leur interprétation du ratio or/argent par les cycles économiques et l’ordre monétaire telle que détaillée dans le rapport IGWT 2020.

Le ratio or/argent reflète l’état de l’ordre monétaire global (01/1880 – 03/2020)

Voici ce qu’ils écrivaient : « Nous pensons que notre système monétaire mondial arrive à la fin de l’une de ses périodes déflationnistes. Le déclencheur du changement de phase est le passage du témoin inflationniste des banques commerciales à l’autorité centrale.

Selon toute probabilité, l’argent métal commencera son voyage inflationniste dans un avenir prochepeut-être après un autre grand un cycle déflationniste au niveau du crédit, mâtiné de défauts de paiements, ce qui ramènera in fine le ratio or/argent au niveau atteint à la fin de l’une des précédentes périodes inflationnistes. »

Si les banques centrales persistent dans leurs velléités de resserrement monétaire, sans doute assisterons-nous alors à cette crise du crédit décrite par S&V, ce qui conduira les grands argentiers à retourner à nouveau leur veste.

Quoi qu’il en soit, l’ordre monétaire global continue pour le moment de patauger dans la dépression monétaire (orange).

A quel cours de l’argent s’attendre lorsque nous repasserons dans le vert (expansion monétaire) ?

Je vous renvoie ici à cette matrice présentant des objectifs pour le cours de l’argent en fonction du cours de l’or et du ratio or/argent que S&V nous proposaient en 2020.

Les deux Autrichiens soulignaient 3 points de repère correspondant pour deux d’entre eux à la fin d’une ère inflationniste au niveau du système monétaire international :

  • « En 2011, au plus fort de l’efficacité perçue de l’assouplissement quantitatif, le ratio or/argent était en moyenne de 44.
  • En 1980, la dernière année de l’inflation des années 1970, le ratio était en moyenne de 30.
  • En 1968, la dernière année de la fixation des prix par le Pool de l’or, le ratio était en moyenne de 18. », écrivaient-ils.

Si le cours de l’or atteint 4800 $ d’ici 2030 (l’hypothèse de base de S&V), alors le cours de l’once d’argent pourrait alors se monter aux alentours de 110 $, 160 $ ou 290 $ (pour un ratio or/argent respectivement à 44, 30 et 18).

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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