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A suivre l’actualité financière, on pourrait penser que seuls les cryptoactifs sont le terreau fertile des scandales. Il n’en n’est rien. Comme le rappelle l’actualité brûlante, les métaux précieux ne sont pas épargnés. Focus sur le nouveau scandale Perth Mint !

Enfin l’or revient sur le devant de la scène… à la défaveur d’un nouveau scandale ! Les investisseurs en métaux précieux chevronnés se souviennent de la liquidation de MF Global en octobre 2011 et du scandale PFGBest de 2012. Depuis le début des années 2010, aucun scandale d’ampleur n’a retenti dans le microcosme de l’or. C’est du côté des crypto-actifs que le gros de l’action s’est déroulée, et la poussière du scandale FTX n’a pas encore fini de retomber. Mais aujourd’hui, c’est à nouveau de l’or dont je vais vous parler, au sujet du (nouveau) scandale Perth Mint.

Qu’est-ce que The Perth Mint (Australia) ?

Comme je l’expliquais dans mon livre en 2013, « la Perth Mint (équivalent australien de la Monnaie de Paris), réputée pour la grande qualité de sa production, propose aux épargnants un service de stockage dans ses propres coffres. Il est à noter que les ateliers de frappe nationaux sont en principe sous le contrôle plus ou moins direct des gouvernements. »

Cela faisait donc 1 point dans la colonne « avantages » (la qualité de la production aurifère de la Monnaie australienne) et 2 points dans la colonne « inconvénients » (le stockage dans les coffres du négociant et le fait que la Perth Mint soit la propriété du gouvernement de l’Australie-Occidentale).

Par ailleurs, il est à noter que l’Australie dispose de deux ateliers de frappe nationaux puisqu’outre la Perth Mint, fondée en 1899, la Monnaie royale australienne (la Royal Australian Mint), inaugurée en 1965, frappe des pièces de monnaie. Cette dernière se charge de la production des pièces qui ont vocation à circuler, la Perth Mint se consacrant quant à elle aux pièces à cours légal constituées de métal précieux. Vous avez sans doute déjà entendu parler de la Nugget australienne, voire même du Kookaburra australien, deux pièces jouissant d’une renommée mondiale.

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Ventes de produits en or frappés de la Perth Mint (moyenne mobile sur 12 mois, avril 2013 – mars 2023)

Fort de ces atouts, la vénérable Perth Mint est par ailleurs une célèbre attraction touristique.

Voilà pour le décor général.

La Perth Mint est coutumière des scandales

Depuis 2020, la Perth Mint enfile les « difficultés en matière de relations publiques » (pour dire les choses avec pudeur) comme s’il s’agissait de perles.

Au mois juin de cette année-là, une enquête de l’Australian Financial Review (l’AFR, le plus grand quotidien économique d’Australie) a révélé que faisant fi d’alertes lancées en interne, la Perth Mint s’est procuré de l’or auprès de petits exploitants de Papouasie Nouvelle-Guinée. Pourquoi être méfiant à l’égard du métal issu de cet état devenu indépendant de l’Australie en 1975, vous demandez-vous peut-être ? Tout simplement parce qu’il s’agit d’une économie fort peu développée recourant au travail des enfants et peu regardante sur le recours au mercure pour traiter le minerai d’or extrait de terre. Pour couronner le tout, la Perth Mint s’était à l’époque procuré pour 200 000 $ d’or auprès d’un exploitant minier préalablement condamné pour meurtre.

Peu après, la West Australian Corruption and Crime Commission a lancé une enquête au sujet de la Perth Mint après que Richard Hayes, son PDG, ait été accusé d’avoir étouffé une affaire de corruption.

Pour ne rien arranger, en juillet 2020, un article de l’Australian Financial Review a révélé que la Perth Mint comptait parmi ses clients la Bank of Cyrpus, une banque commerciale répertoriée par le Département d’État américain (l’équivalent de notre ministère des Affaires étrangères) en tant que « juridiction majeure en matière de blanchiment d’argent » – une renommée internationale que cette banque doit en particulier à ses liens avec le crime organisé russe. La Perth Mint a également été épinglée pour ses liens avec deux autres banques soupçonnées d’œuvrer à ce que leurs clients recyclent leur argent sale aussi facilement que possible.

L’Australian Financial Review en a rajouté une couche en avançant un chiffre. A l’issue de l’enquête qu’il a menée, Angus Grigg a avancé en octobre 2020 que la Perth Mint « a permis à des clients d’une banque établie dans un paradis fiscal, qui fait l’objet d’une enquête pour ses liens avec des organisations criminelles internationales, d’acheter pour plus de 100 millions $ d’or sans procéder aux contrôles d’identité visant à lutter contre le blanchiment d’argent. »

Depuis août 2022, la Perth Mint fait ainsi l’objet d’un audit de l’AUSTRAC, le régulateur australien des crimes financiers. Il s’agit de vérifier que la monnaie australienne se soit conformée à ses obligations en matière de lutte contre le blanchiment. A défaut, la Mint, donc le contribuable, s’expose à une amende qui pourrait se chiffrer à plusieurs centaines de millions de dollars. Comme l’indique le magazine australien Jeweller, « l’audit aurait été lancé car des fonctionnaires soupçonnent la Monnaie de ne pas avoir déclaré correctement jusqu’à 5 000 transactions. »

Voilà résumés en quelques lignes les principaux scandales (il y en a d’autres) qui sont venus écorner la réputation de la Perth Mint depuis le début de ses problèmes de « relations publiques » en 2020.

On reste dans l’attente des conclusions de l’audit de l’AUSTRAC lequel, selon la Perth Mint, « devrait être achevé dans le courant de l’année ».  

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

La Perth Mint a-t-elle sciemment vendu de l’or dilué à la Chine sur le Shanghai Gold Exchange, avant de se faire prendre la main dans le sac et de tenter d’étouffer l’affaire ?

C’est la question que pas mal de monde se pose depuis le 6 mars. Il s’agit de la date à laquelle a été publié le tout nouveau numéro de l’émission Four Corners d’ABC.

Source : ABC

Intitulé « Tainted Gold », ce reportage de 44 minutes fait le point sur les affaires de blanchiment d’argent qui ont terni la splendeur de la Perth Mint, avant de procéder à de nouvelles révélations reprises sur ABC News.

6 mars 2023 : « La Perth Mint a vendu de l’or dilué à la Chine, s’est fait attraper et a tenté d’étouffer l’affaire »

Source : ABC News

Voici ce qu’on y lit : « Selon un rapport interne qui a fait l’objet d’une fuite, l’historique Perth Mint est confrontée à un rappel potentiel de 9 Mds$ de lingots d’or après avoir vendu des lingots dilués ou « dopés » à la Chine, et avoir ensuite dissimulé les faits. »

Dans le détail, Four Corners aurait découvert que la Perth Mint, afin de procéder à des économies, a commencé à très légèrement « couper » ses produits aurifères avec de l’argent et du cuivre en 2018. Cette pratique légale, qui consiste à intégrer d’autres métaux dans un produit aurifère, était censée permettre à la Perth Mint d’économiser 620 000 $ par an – un montant absolument dérisoire au regard du chiffre d’affaires de l’institution australienne. Comme le demande Jan Nieuwenhuijs sur Twitter : « Qui risquerait son entreprise pour un « gain » aussi minime ? »

Les ennuis auraient commencé en septembre 2021 lorsque le Shanghai Gold Exchange (SGE) se serait ému que « deux barres contenaient trop d’argent et n’étaient pas conformes à ses spécifications. Craignant un coup dur pour sa réputation, une enquête interne [à la Perth Mint] a été ordonnée le jour même de la réception de la plainte [du SGE] », indique ABC. Cependant, constatant en interne que les défauts entachant ces deux barres n’étaient pas une exception mais la règle, la Perth Mint aurait préféré taire cette information à son plus gros client, gardant pour elle les résultats défectueux de ses tests de pureté. Four Corners prétend que Richard Hayes aurait décidé de n’envoyer qu’un résultat d’essai conforme au SGE, enterrant ainsi les résultats d’essais non-conformes et renvoyant aux Chinois la charge de la preuve de non-conformité. Seule réaction positive du PDG de la Mint : l’arrêt du programme de « dopage » de l’or… suivi de son départ anticipé en retraite dès septembre 2021.

Bien que les lingots vendus au SGE aient respectés les standards de la place chinoise en termes de concentration en or (99,99%), le rapport cité indiquerait qu’une centaine de tonnes de lingots auraient dépassé la concentration autorisée sur le SGE en argent et/ou en cuivre, et pourraient par conséquent faire l’objet d’une demande de remplacement. Au cours actuel, une telle quantité de métal équivaudrait à la bagatelle de 8,7 Mds$

Four Corners rapporte les propos d’un employé de la Perth Mint pour lequel cette affaire pourrait constituer un « scandale de la plus haute importance. »

Voilà pour les faits – ou plutôt, à ce stade, pour les allégations.

Que faut-il penser de tout cela ?

2023 : la Perth Mint, innocente jusqu’à preuve du contraire !

Tout d’abord, jusqu’à ce que ces allégations ne soient avérées, la Perth Mint reste innocente de ce qui lui est reproché par Four Corners.

7 mars 2023 : « Je viens de parler à quelqu’un qui travaille dans une grande raffinerie d’or. Comme moi, il n’avait jamais entendu parler de « dopage » avant la publication de cet article. J’espère que la Perth Mint fera une déclaration à ce sujet. »

Il est clair que les scandales intervenus depuis 2020 ne jouent pas en la faveur de la Perth Mint. Cependant, le nouveau scandale dont la presse australienne fait ses choux gras pourrait être quelque peu exagéré. En effet, à plus de 99,99% de concentration en or physique, il me semble difficile de parler de lingots « dilués » ou « dopés ». Le tout nouveau scandale Perth Mint n’a donc rien à voir avec les scandales MF Global, PFGBest ou encore FTX. Les dissimulations potentielles ne portent pas non plus sur de l’or papier couvert à 0% par du métal physique, mais sur moins de 0,01% de métal composant des lingots d’or qui existent et qui ont bel et bien été livrés.

Je rejoins donc Jan Nieuwenhuijs qui ne pense pas que nous ayons affaire à « scandale de la plus haute importance. »

8 mars 2023 : « Et je doute fort que tout l’or soit renvoyé du SGE à la Perth Mint pour y être réaffiné. Comme s’il se trouvait toujours dans les coffres du SGE et qu’il n’avait pas été retiré, etc. »

Pour ce qui est de la Perth Mint, elle a répondu aux allégations de Four Corners le 8 mars.

Elle rappelle que « les barres d’un kilogramme produites et vendues par la Perth Mint ont toujours contenu au moins 99,99 % d’or, conformément à leurs spécifications. […] Les barres d’un kilogramme d’or à 99,99 % de la Perth Mint contiennent jusqu’à 0,01 % de matériaux autres que l’or, notamment de l’argent et du cuivre. Ces spécifications de pureté répondent aux normes de l’industrie et s’alignent sur celles fixées par l’autorité internationale du marché, la London Bullion Market Association. […] Cette pratique n’a pas d’incidence sur la pureté de 99,99 % de l’or que le client paie.

Dans le cadre de l’examen des pratiques d’affinage de la Perth Mint, de nouveaux processus ont été mis en œuvre pour garantir que les barres d’un kilogramme fassent en moyenne l’objet d’une pureté en or minimale de 99,996%, alors que la norme de l’industrie est d’environ 99,992%. Grâce à cette nouvelle pratique entrée en vigueur en décembre 2021, la composante non aurifère maximale d’une barre d’un kilogramme est de 0,004 %, ce qui est conforme aux normes de spécification non aurifère du SGE. »

Morale de l’histoire : sélectionnez la source de vos achats de gold et silver coins, lingots, bars et bullions avec la plus grande méticulosité !

Ce scandale, qu’il s’avère être énorme ou une simple tempête dans un verre d’eau, a le mérite de rappeler aux investisseurs qu’ils doivent sélectionner leurs fournisseurs avec la plus grande méticulosité, sous peine de se retrouver avec leurs seuls yeux pour pleurer.

N’hésitez par exemple pas à réviser les bonnes pratiques pour palier le risque de contrefaçon en vérifiant l’authenticité de vos pièces, et à vous pencher sur cette solution permettant de garantir le caractère infalsifiable de vos investissements en métaux précieux physiques.

A bientôt !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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