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Pour les banques centrales désireuses de pousser leurs projets de monnaies numériques (MNBC), le responsable du scandale FTX est tout trouvé : c’est Bitcoin qui est à blâmer ! Voici quelques réflexions pour vous éviter de tomber dans les pièges tendus par les grands argentiers, et faire en sorte que votre épargne ne se fasse pas chyprer par un Sam Bankman-Fried, une Christine Lagarde… ou encore un tracker or !

A moins d’avoir terminé votre année 2022 dans une grotte, vous n’avez pas pu rater le scandale FTX. Je ne procéderai donc qu’à un bref rappel des faits, avant d’étendre mon propos aux conséquences attendues de cet évènement sur vos finances personnelles.

Qu’est-ce que le scandale FTX exchange, et le token FTT ?

Fondée en mai 2019 par Sam Bankman-Fried, FTX est rapidement devenue la 3ème place d’échange de crypto-actifs.

Classement des plateformes de trading de crypto-actifs à novembre 2022

A son apogée, en juillet 2021, la plateforme comptait plus d’un million d’utilisateurs (investisseurs particuliers et institutionnels), propulsant son fondateur âgé d’à peine 30 ans au rang de multimilliardaire.

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Couverture de Fortune le 1er août 2022

Officiellement, tout allait bien jusqu’au 2 novembre 2022, date à laquelle le site CoinDesk a révélé qu’Alameda Research, une société partenaire de FTX, était (très) lourdement chargée en FTT, le jeton natif de FTX.

A la suite de cela s’est enclenchée une série d’évènements digne de Dallas, à ceci près que l’action ne se déroulait pas à Southfork Ranch mais prenait place entre New York, Singapore et les Bahamas, au fil des retournements de situation.

Quand Binance entre en piste et fait les news

En bref, Changpeng Zhao (surnommé CZ), le PDG de Binance, a annoncé le 6 novembre que la principale plateforme de cryptos (qui fut l’un des premiers investisseurs dans FTX) comptait bazarder ses propres FTT, ce qui a déclenché un run (à la vente) sur ce jeton. La confiance s’est enfuit au galop lorsque les détenteurs de FTT se sont rendu compte que FTX était incapable d’honorer ce flux de demandes de rédemptions. Il est devenu clair aux yeux de tous que le roi était nu après que Binance, qui avait signé le 8 novembre une lettre d’intention pour acquérir FTX, a retiré son offre dès le lendemain après avoir pris conscience de l’ampleur de l’arnaque entretenue pendant deux ans et demi par Sam Bankman-Fried. Le même jour, FTX arrêtait de traiter les demandes de retraits et le cours du FTT avait rejoint sa valeur intrinsèque : 0.

Ce que certains avaient pris un temps pour une simple crise de liquidité était en fait la plus grosse arnaque financière depuis Bernie Madoff. Un crime, pas un accident.

Sam Bankman-Fried, CEO de FTX, l’escroc US du siècle ?

Deux jours plus tard, le 11 novembre, FTX a entamé une procédure de faillite en vertu du chapitre 11 de la loi américaine sur les faillites. Le 17 novembre, John J. Ray III, en charge de liquidation judiciaire de la galaxie FTX après avoir traité celle d’Enron, faisait la déclaration suivante : « Jamais dans ma carrière je n’ai vu un échec aussi complet des mécanismes de contrôle d’une entreprise et une absence aussi flagrante d’informations financières. De l’intégrité compromise des systèmes à la surveillance réglementaire défectueuse à l’étranger, en passant par la concentration du contrôle entre les mains d’un très petit groupe d’individus inexpérimentés, peu avertis et potentiellement corrompus, cette situation est sans précédent. »

Pour l’anecdote, l’un des deux cabinets comptables de FTX a son siège… dans le métavers.

Le 13 décembre, Sam Bankman-Fried est finalement arrêté aux Bahamas à la demande de la Justice américaine qui l’accuse de :

  • Fraude électronique ;
  • Conspiration de fraude électronique ;
  • Fraude sur des valeurs mobilières ;
  • Conspiration de fraude sur ses valeurs mobilières ;
  • Blanchiment d’argent.

Notez que la faillite de FTX a eu des conséquences jusque dans l’Hexagone :

Ce tsunami n’a sans doute pas fini de faire des vagues, compte tenu de l’ampleur du réseau FTX.

Le réseau d’influence de Sam Bankman-Fried au 2 décembre 2022

Par ailleurs, ce scandale place de toute façon les plateformes d’échange et les véhicules d’investissement institutionnels sous pression puisque les investisseurs, craignant un effet domino, tendent depuis à retirer des fonds pour les conserver en propre. Comme l’écrit Maxime Loves Cryptos au sujet du GBTC de Grayscale, « LE fonds crypto de référence à Wall Street pour les institutionnels. […] Vous avez compris que la faillite de ce fonds, c’est le boss final pour envoyer le marché dans les abysses. »

FTX ne sera pas le dernier séisme relatif aux crypto-actifs. Il y a eu Mt. Gox en février 2014, il aura d’autres.

Il ne faut cependant pas jeter le bébé avec l’eau du bain.

Le scandale de la plateforme FTX n’a rien à voir avec Bitcoin

Suite au scandale FTX, bitcoin, qui avait relevé le bout de son nez au-dessus de la barre des 20 000 $ début novembre, a plongé dans un range entre 15 700 et 17 300 $ dont il ne s’est toujours pas extirpé.

Il ne faut cependant pas « faire d’amalgame », comme on dit.

Tout d’abord, Bitcoin ne va pas disparaître suite au scandale FTX, n’en déplaise à l’auteur de ce tweet clownesque de la BCE.

30 novembre 2022 : « L’apparente stabilisation de la valeur du bitcoin signe probablement son dernier souffle artificiellement induit avant que le crypto-actif ne s’engage sur la voie de l’insignifiance. […] »

Ensuite, ce n’est pas la mère des crypto-actifs qui est ici remise en cause : ce sont les actions frauduleuses d’une équipe d’escrocs à l’origine d’un énorme système de Ponzi qui a pu perdurer deux ans et demi car :

  • Il a trouvé son origine au sein d’un système centralisé et opaque dans son fonctionnement, soit l’exact contraire du fondement du réseau Bitcoin ;
  • Il prenait place sur un secteur encore mal régulé dans certains pays.

C’est ainsi que Sam Bankman-Fried a pu piller quotidiennement les fonds des clients de FTX pour financer une litanie d’opérations qui n’avaient pas grand-chose à voir avec le développement de la galaxie FTX :

  • Financement du Parti démocrate américain ;
  • Achats de maisons à titre personnel par des dirigeants et employés de FTX ;
  • Prêts de centaines de millions de dollars à des dirigeants et employés de FTX…

J’arrête là pour cette liste dont on se demande si elle est à rire ou à pleurer.

S’il fallait faire une analogie, ce serait donc du côté de Bernie Madoff plutôt qu’en direction de Bitcoin qu’il faudrait se tourner.

Ces prolégomènes ainsi posés, à quelles conséquences s’attendre suite au scandale FTX ?

La première semble assez évidente.

Les autorités publiques vont resserrer la vis sur les cryptos et pousser les MNBC

Dès le 29 novembre, la présidente de la BCE en appelait non pas à règlementer plus avant les plateformes d’échange (ce qui peut se défendre), mais à serrer la vis sur les crypto-actifs en tant que tels. « La stabilité et la fiabilité des cryptomonnaies ont été exposées de la manière la plus évidente récemment », a déclaré Christine Lagarde en amalgamant FTT et bitcoin de manière éhontée.

Avec ce genre de sabots et ses légendaires foulards, on voit Christine Lagarde arriver de loin. « Ce n’est pas tout, il faudrait un Mica II qui englobe plus largement ce qu’il vise à réglementer et à superviser, et c’est vraiment nécessaire », a-t-elle ajouté.

Rien n’exclut qu’à terme, l’UE ne finisse par interdire les portefeuilles non-hébergés de cryptoactifs, comme certains députés européens l’ont proposé. Comprenez bien que pour l’immense majorité des banquiers centraux, la découverte de Bitcoin, c’est en quelque sorte l’Eglise catholique qui découvre la presse à imprimer dans la première moitié du XVème siècle. 

Bitcoin et ses avatars ne sont donc guère appréciés par la plupart des instances publiques nationales et internationales de tout poil – en particulier par celles qui entendent lancer une monnaie numérique de banque centrale.

Le 28 novembre, Christine Lagarde réitérait justement au Parlement européen sa volonté de lancer un euro numérique d’ici 2026 ou 2027. Du point de vue de la BCE, la solution au scandale FTX semble donc consister à combattre la centralisation avec encore plus de centralisation.

Si vous prenez à la légère les menaces que ce genre de d’innovation financière fait peser sur nos libertés, alors je vous renvoie à cet article. Si cela ne vous suffit pas, je vous invite à vous mettre quelques instants à la place d’une femme iranienne qui ne serait pas dans les meilleurs termes avec son gouvernement.

Comme le résume Simone Wapler, « De telles monnaies permettent :

  • le contrôle total de toute transaction privée,
  • l’orientation des transactions privés vers les secteurs jugés utiles par les omniscients. »

Sans doute faut-il à ce stade remettre l’église au milieu du village.

Avec une inflation à 10%, la BCE est-elle position pour donner des leçons de vertu ?

Le mandat de la BCE est centré sur un « objectif principal » qui consiste à « maintenir la stabilité des prix » en zone euro.

Or on ne peut pas dire que dernièrement, cela ait été une grande réussite.

Taux d’inflation sur 1 an glissant au 17 décembre 2022

L’or ne s’y est pas trompé puisque son cours a augmenté de 6% en 2022.

Peut-être madame Lagarde devrait-elle s’interroger sur les conséquences de sa politique monétaire plutôt que d’œuvrer à mettre toujours plus de chaînes autour de notre épargne.

Sécurité : FTT, monnaie fiduciaire en Europe et or papier, même combat ?

Enfin, je ne peux pas clôturer ce papier sans souligner qu’avec le run sur le FTT, le scandale FTX a remis mon proverbe néerlandais favori au goût du jour : « La confiance arrive à pied et s’enfuit au galop. » Je vous invite à le garder en mémoire : il pourrait un jour vous servir pour agrémenter vos dîners en ville.

Je fais en particulier référence à deux scénarios.

Le premier est l’éventuel moment lors duquel la grande expérience monétaire qui se déroule sous nos yeux pourrait se terminer en crise monétaire, autrement dit par l’effondrement de la confiance dans la capacité d’action des autorités publiques, en particulier des banques centrales.

Le second pourrait être la conséquence du premier : le moment où les investisseurs ayant pris position sur de l’or papier, en particulier sur des ETF ou trackers or, seraient tellement nombreux à demander la rédemption de leur métal que certains opérateurs se trouveraient dans l’impossibilité de leur livrer du métal physique. Contraints de rembourser les porteurs de parts en cash, donc en monnaie de singe, les porteurs de part d’ETF or se retrouveraient alors dans une position guère plus enviable que les épargnants qui avaient confié leur épargne à FTX.

17 novembre 2022 : « Les clients de FTX pensaient avoir 1,4 milliard $ d’exposition au bitcoin, mais ce n’était pas le cas. FTX n’avait pas de bitcoin. C’est comme avoir un ETF d’or non alloué, mais encore plus frauduleux. […]. »

Pour l’achat d’or comme pour l’achat de crypto-actifs, à chacun de faire son travail de due diligence.

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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