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Dans cet article, je vous explique pourquoi il faut arrêter de suivre le cours de l’or en dollars. Vraiment.

Dans tous les grands médias, on nous parle le plus souvent du cours du métal jaune en dollars. Or, cela est à peu près aussi utile que si l’on nous entretenait du cours des actions Renault ou Air Liquide en livres turques.

Cotation : avez-vous déjà entendu parler du prix de l’or en euros ?

Essayez de taper « cours de l’or » sur Google Actu et vous verrez. Boursorama, Capital, Le Figaro, La Tribune, Les Echos… : aucun d’entre eux ne titre sur le prix de l’or libellé en euros. Seules les évolutions du cours du métal libellées dans la devise américaine semblent intéresser la presse économique et financière hexagonale. Dans les rapports qu’elle publie, la Cour des comptes elle-même évoque le cours de l’or en dollars !

Du point de vue de l’épargnant français, la conséquence est aberrante : les nouveaux plus hauts historiques atteints par le cours de l’once libellé en euros n’ont laissé quasiment aucune trace au niveau des publications des médias français de référence.

Pour être informé de l’évolution du cours du métal dans sa devise nationale, l’épargnant français est tenu suivre des médias spécialisés comme le blog vidéo Tradosaure Trading, ou le blog L’Or et l’Argent sur lequel Jean-François Faure commente quotidiennement l’évolution du cours de l’or.

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Bref, si vous vous contentez de suivre l’actualité de ce métal en consultant les grands médias français, vous êtes condamnés à ce que l’on vous prenne pour des Américains.

Et cela pose un sacré problème.

Et si l’on arrêtait de suivre la valeur de l’once d’or sur un graphique en dollars ?

C’est un problème car l’euro et le dollar sont deux devises différentes, concurrentes, qui vivent chacune leur propre vie au sein de leur zone monétaire respective et dont le pair (c’est-à-dire le taux de change) ne cesse d’évoluer.

Cela se traduit dans un cours de l’or qui n’a évidemment pas le même niveau selon qu’on l’exprime dans l’une ou l’autre de ces deux devises, et deux courbes de prix très différentes.

Ce graphique, que j’ai réalisé sur la base des données statistiques regroupées par le Conseil mondial de l’or, permet de constater plusieurs choses assez flagrantes.

Tout d’abord, si l’on prend arbitrairement comme point de référence l’an 2000 (et les cours à la clôture sur le marché de Londres), alors on voit que l’once a démarré sa course à peu près au même niveau de prix en euros et en dollars : à environ 286 € et 290 $ au 3 janvier 2000 (1,4% de différence).

Puis s’est écoulée une dizaine d’années pendant laquelle on a assisté à un grand marché haussier à l’issue duquel le cours de l’or libellé en dollars a atteint son sommet à 1896 $ le 5 septembre 2011, alors qu’en euro il aura fallu attendre le 1er octobre 2012 pour que le métal inscrive un plus haut historique à 1382 €. Non seulement il y a donc eu un peu plus d’1 an d’écart entre les sommets respectifs de ces deux marchés haussiers, mais il y a également eu 37% de différence en termes de performance, c’est-à-dire que l’or libellé en dollars est monté 37% plus haut que l’or libellé en euros.

On peut faire la même remarque au niveau du marché baissier qui s’en est suivi. En dollars, il a duré de septembre 2011 à décembre 2015 – c’est-à-dire un peu plus de 4 ans. En euros, après avoir fait un plus haut en octobre 2012, l’once est repartie à la hausse dès janvier 2014, c’est-à-dire que le marché baissier n’a duré qu’1 an et 3 mois. Non seulement la durée du marché baissier n’a donc pas été la même dans les deux devises, mais la profondeur de la baisse a également été sensiblement différente : en dollars, l’once a perdu jusqu’à 44%, alors qu’elle n’avait perdu « que » 37% en euros.

C’est d’ailleurs pour cela que sur ce graphique, on a l’impression que les deux courbes ont failli se croiser en 2015/2016. Nous avions en effet une once qui était toujours dans son marché baissier en dollars alors que libellé en euros, le cours de l’or était déjà beaucoup remonté.

Enfin, même remarque si l’on se penche sur le nouveau marché haussier en cours. Depuis son point bas à 872 € en décembre 2013, l’or en euros a donc a grimpé jusqu’à 1870 € le 8 mars 2022 (après avoir affiché un plus haut temporaire à 1743 € le 7 août 2020), c’est-à-dire que l’once a gagné 114% en 8 ans et 3 mois. Libellée dans la devise américaine, elle est passée de 1049 $ le 17 décembre 2015 à 2067 $ le 6 août 2020. Non seulement l’once n’a donc fait « que » 97% de performance en dollars (sur 4 ans et un peu moins de 8 mois), mais le plus haut d’août 2020 n’a pas encore été rattrapé. Au contraire, libellée en euros, l’once est déjà parvenue à se hisser 7% au-dessus de son sommet d’août 2020.

Bref, que ce soit en termes de timing des mouvements haussiers et baissiers ou en termes d’intensité de ces développements, nous avons affaire à deux courbes de prix très différentes.

La remarque est d’ailleurs la même quelle que soit la devise, comme le suggère ce tableau de goldprice.org.

Performance annuelle de l’or dans une sélection de devises (%, 2007 – 16/01/2023)

On y constate que non seulement l’or a enregistré des performances très variables en 2022 en fonction de la devise dans laquelle son cours est libellé (de -0,3% en dollars à +13,4% en yens), mais la performance annuelle moyenne de l’or entre 2007 et 2022 a également fortement varié selon la devise (de +4,7% en francs suisses à + 11% en roupies).

Et encore n’a-t-on ici affaire qu’à des monnaies qui sont gérées grosso modo de la même façon (pour le dire très vite, bien sûr, puisque l’année 2022 a été le théâtre d’une baisse marquée de l’euro face au dollar).

Bourse : cours de l’or en dollars, en euros et en livres turques

En revanche, lorsque l’on compare d’une part le cours de l’or libellé en euros et en dollars et, d’autre part, le cours de l’or libellé en livres turques, on s’aperçoit tout de suite que les courbes de prix n’ont absolument rien à voir. Et pour cause : la dégradation de la situation économique est autrement plus avancée en Turquie que cela n’est le cas chez nous.

Dès lors, le cours de l’or libellé en livres turques ne nous est pas du moindre intérêt, à nous autres épargnants français.

Du point de vue de l’épargnant de la zone euro, il y a donc pire que le dollar comme devise de référence pour suivre le cours de l’or. Pour toutes les raisons évoquées plus haut, cela n’est cependant pas satisfaisant. Et cela le sera encore moins lorsque le pair euro/dollar deviendra beaucoup plus volatile, comme cela a déjà été le cas en 2022.

Gramme, once, pièce ou lingot d’1 kg : il faut suivre l’évolution du marché dans la devise du pays dans lequel on vit !

La conclusion de cette comparaison du cours de l’or libellé en différentes devises est la suivante : il faut suivre le cours de l’or dans la devise du pays dans lequel on vit, au sens où l’on y perçoit la majorité de ses revenus et l’on y fait l’essentiel de ses dépenses – c’est une évidence !

Quand vous allez faire vos courses à Intermarché, vous ne réfléchissez pas en dollars. Alors pourquoi cela serait-il le cas lorsqu’il s’agit d’acheter (ou de vendre) de l’or ?

J’ajoute que l’objection qui consisterait à dire que le simple fait que le cours de l’or soit fixé en dollars interdit de suivre le cours de l’or libellé en euros n’est pas recevable. Il existe en effet d’autres fixing du cours de l’or sur le marché spot. La Chine, en particulier, a lancé en 2016 son propre fixing du cours l’or sur le Shanghai Gold Exchange (SGE). Ce dernier est libellé en yuans par gramme d’or et présente souvent une prime par rapport au fixing londonien. Ceci dit, il ne vous viendrait pas à l’idée de suivre le cours de l’or libellé dans la devise chinoise, n’est-ce pas ?

A défaut de suivre le cours de l’or en euros, vous vous retrouvez à la merci des fluctuations d’une devise qui n’est pas la vôtre et vous risquez de prendre des décisions d’investissement (acheter ou vendre de l’or) qui pourraient être complètement à contretemps. Le comble étant qu’à suivre les médias français de référence, vous risquez même d’ignorer que le cours de l’or vient de battre un nouveau record dans votre propre devise…

Bref, le cours de l’or en euros étant très facilement accessible sur internet, vous n’avez plus aucune excuse pour consulter les productions médiatiques qui traitent du cours de l’or en dollars. Cette conclusion peut sembler évidente, mais nous sommes à tel point habitués à entendre parler du cours de l’or en dollars que cela passe comme une lettre à La Poste.

Pourquoi personne n’évoque le cours du gold en euros en 2022 ?

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi, 9 fois sur 10, quand un journaliste français évoque le cours de l’or, il le fait en dollars ?

Si ce mystère vous empêche de dormir, alors peut-être l’explication évoquée dans cette vidéo vous permettra-t-elle de trouver le sommeil.

A lundi !

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Nicolas Perrin
Diplômé de l’IEP de Strasbourg, du Collège d’Europe et titulaire d’un Master 2 en Gestion de Patrimoine, Nicolas Perrin a débuté sa carrière en tant que conseiller en gestion de patrimoine. Auteur de l’ouvrage de référence "Investir sur le Marché de l’Or : Comprendre pour Agir", il est désormais rédacteur indépendant. Il s’intéresse au libéralisme, à l’économie et aux marchés financiers, en particulier aux métaux précieux et aux crypto-actifs, sans oublier la gestion de patrimoine. Twitter : @Nikookaburra

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