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La numismatique est un univers complexe avec ses codes. On ne peut s’y intéresser et le comprendre sans de solides connaissances. C’est ce que rappelle Joël Cornu, PDG de Cgb.fr* et Directeur de publication du Bulletin Numismatique, dans l’interview qu’il m’a accordée. Il explique notamment comment la numérisation et l’internationalisation du marché ont modifié le comportement des collectionneurs ces dernières années, avec un glissement de l’épargnant et de l’investisseur vers la collection.

Pièces recherchées ou au contraire délaissées par les collectionneurs, comment faire face aux faux… Joël Cornu nous livre ses conseils avisés pour “bien collectionner”, dans un marché qui pourrait être opaque sans le décryptage d’experts tels que Cgb.fr.

Quel est l’état du marché des pièces en France ?
Joël Cornu –
Il est important de hiérarchiser les marchés, la collection numismatique s’étend des pièces de 2 euros commémoratives que tout à chacun retrouve dans son porte-monnaie à des monnaies rarissimes comme par exemple l’aureus d’Hadrien vendu dans notre vente de mars 2017, 47 040 euros, commission comprise. Par ailleurs, le marché des monnaies antiques (grecques, romaines, gauloises) semble légèrement stagner du fait de la complexité juridique qui entoure la propriété des monnaies. En effet, nous vivons actuellement une période ou il est indispensable de pouvoir tracer une monnaie, de pouvoir apporter les justificatifs de propriétés. Pouvoir donner le pedigree d’une monnaie antique, surtout pour les monnaies les plus rares. Ainsi, cette complexité crispe légèrement le marché des antiques.

Ensuite, le marché des monnaies modernes françaises semble en pleine expansion en France et à l’international. Cette tendance à la hausse s’explique par deux raisons. Premièrement, la possibilité d’investir doublement. En effet, lorsqu’un collectionneur achète une 20 francs OR 1855 A (A indiquant que la monnaie a été frappé dans l’atelier de Paris), ce dernier complète sa collection par une monnaie en or d’un atelier et d’un millésime lui faisant défaut mais surtout, il participe à diversifier son patrimoine en choisissant de sécuriser une partie de son épargne dans le métal jaune. L’investissement est donc double et très sécurisé puisque la valeur numismatique de la monnaie est garantie en partie par sa valeur métallique. Nous constatons le même phénomène pour les monnaies en argent dont la valeur intrinsèque n’est pas encore trop éloignée de la valeur dite de  collection.

Deuxièmement, nous constatons que le fait d’avoir structuré le marché par la publication d’un ouvrage de classement de référence comme le Franc 10 permet d’asseoir les cotes et le sérieux de celles-ci. Sans ouvrage de cotation, pas de collection structurée. Par ailleurs, la publication récente de l’ouvrage LE FRANC POCHE en version bilingue français-anglais assure une consolidation supplémentaire des cotes des monnaies modernes françaises. Le marché numismatique s’est largement mondialisé ces cinq dernières années, la révolution du e-marketting est aussi passée dans ce secteur. Ainsi les cotes et les ventes se retrouvent soutenues par une communauté de collectionneurs encore plus importante du fait du caractère bilingue de l’ouvrage et de l’internationalisation du marché.

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Quelles pièces ont le vent en poupe en ce moment?
Joël Cornu – Encore une fois, il est important de différencier les deux marchés, à savoir celui de la collection et ensuite celui de l’investissement. On remarque que le marché de la collection est tiré vers le haut par les métaux. Les écus de 5 francs ainsi que les divisionnaires en or connaissent un essor grandissant depuis déjà quelques années. La tendance n’est clairement plus aux séries FDC (neuves) de la Monnaie de Paris. Il y a également un engouement non négligeable vers les monnaies chinoises et plus généralement asiatiques, du fait de l’élévation du niveau de vie d’une certaine catégorie de la population. En revanche, le marché de l’investissement est tiré vers le haut grâce aux monnaies nouvellement émises, types Bullion. Les bullions n’ont théoriquement pas de valeur numismatique. Les monnaies sont neuves et leur valeur est étroitement liée au cours des métaux précieux. Néanmoins, nous constatons un glissement de ce marché (pour les bullions les « plus anciens » comme le Panda ou la Liberty)  vers celui de la collection dans le sens ou de plus en plus d’acheteurs augmentent la diversification de leur patrimoine tout en se prenant au jeu de la collection. Le client devient peu à peu collectionneur et choisit ainsi d’acheter telle monnaie plutôt qu’une autre du fait notamment de son état de conservation jugée meilleur. Une partie du marché se transforme et il n’est pas rare de constater des prix à la hausse, complètement déconnectés de la valeur intrinsèque, sur des billions asiatiques de type Panda.
Plus généralement, on constate une élévation du marché de la collection dite « classique » sur les monnaies de haute valeur, il n’est plus rare désormais de voir plusieurs enchérisseurs se disputer des monnaies rares plusieurs dizaines de milliers d’euro.

Quelles sont les pièces délaissées, boudées par les collectionneurs ?
Joël Cornu – Il y a des domaines actuellement délaissés par les collectionneurs qui nécessitent malgré tout de retenir l’attention. Je pense par exemple aux jetons. Il s’agit d’une secteur périphérique à la numismatique. Les jetons qu’ils soient de compte ou de présence, sont des témoignages historiques incontournables de notre patrimoine et de notre histoire. L’apogée des jetons se trouve au XIXe siècle avec l’explosion des jetons de présence des corporations comme les changeurs, les imprimeurs, les notaires, les assureurs… Ainsi, il est possible pour un petit collectionneur de s’offrir un jeton de Charles X en parfait état pour une somme très modique et ainsi avoir l’opportunité de détenir entre ses mains une partie de notre histoire pour quelques dizaines d’euros. Longtemps soutenues par une diaspora active, les monnaies des anciennes colonies françaises sont elles-aussi délaissés depuis quelque temps. Paradoxalement les billets de la même période ont battu des records dans nos dernières ventes…

Êtes vous pénalisés par les faux chinois ? Quelle parade avez-vous trouvé ?
Joël Cornu – Les faux chinois existent, c’est un fait indéniable. Cependant, il existe actuellement de nombreux sites internet répertoriant les faux actuellement en circulation visant à tromper les collectionneurs. Bien que préoccupant, le faux chinois n’est actuellement que très rarement parfait. La méconnaissance de la numismatique française par les faussaires chinois joue en notre faveur. Très souvent, une erreur de « copiage » ou une erreur d’assemblage des coins permettent aux professionnels numismates de pouvoir identifier rapidement la supercherie. De la même façon que la résolution, sans cesse grandissante, des appareils photographiques permet désormais d’étudier au plus près la surface de la pièce convoitée, le faux se détectera plus aisément à supposer que le collectionneur prenne la peine de se questionner sur l’authenticité de la monnaie.

Il faut savoir que la tentation pour un faussaire de gagner de l’argent sur le dos des collectionneurs ne date pas d’hier. Nous estimons qu’actuellement il y a plus de fausses monnaies grecques de collection que de monnaies grecques authentiques de collection. Autant dire que le business des faussaires, même si nous pensons qu’il est en recul aujourd’hui, a dû être très juteux il y a quelques années… C’est la raison pour laquelle, nous conseillons aux numismates débutants de ne pas se lancer tête baissée dans les achats de monnaies et de ne pas croire en la bonne affaire. Il est nécessaire dans un premier temps de se documenter, de faire l’acquisition d’une petite bibliothèque numismatique, de consulter les archives de ventes des professionnels, bref d’acquérir un solide socle de connaissances numismatiques. Par la suite, toujours faire attention à regarder la monnaie et ne pas faire une confiance aveugle aux marchands et organismes de certifications types PCGS (Professional Coin Grading Service) ou NGC. Sans oublier que des faux slabs (coques, étuis) avec des fausses monnaies mais aussi des faux slabs avec de vraies monnaies sont apparues récemment sur le marché.

Que pensez-vous de système de certification avec slab tels que PGCs qui a été remis en question pour la présence de faux et aussi le niveau des gradeurs qui n’est pas égal, faisant que le grading n’est pas homogène ?
Joël Cornu
– Depuis plusieurs années, nous dissertons sur les avantages et les inconvénients de la mise sous coque des monnaies. Plus récemment, nous nous positionnons également sur la mise sous slab des billets de collection. Nous étudions, nous réfléchissons, nous débattons entre professionnels du secteur. Depuis une quinzaine d’années, Cgb.fr donne son avis sur les monnaies modernes françaises en utilisant l’échelle de Scheldon graduée de 1 à 70.

L’utilisation des grades fut ainsi une première en France grâce à Cgb.fr. En l’absence de grande société de grading sur le sol français, il était important et nécessaire d’aiguiller le collectionneur, de l’éduquer et de l’habituer au grading américain. Aujourd’hui, nous poursuivons ce travail et proposons ainsi tous les jours de nouvelles monnaies gradées par Cgb.fr. Désormais, les sociétés de grading sont largement implantées en Europe et particulièrement en France. Même si, parfois, quelques incohérences demeurent, nous reconnaissons et respectons le travail des organismes de certification. Le marché de la numismatique s’articule maintenant entre trois pôles théoriquement bien distincts : les collectionneurs, les organismes de certification et les marchands.  Au départ, nous avons connus de sérieux désaccords, mais aujourd’hui nos évaluations finissent par se rejoindre. Attention, comme précédemment écrit dans le Bulletin Numismatique, acheter une monnaie sous coque ne vous dispense pas d’un avis critique. Jusqu’à preuve du contraire, il est impossible d’émettre un avis critique sur une pièce sans une expérience et une culture numismatique solides. Avant d’acheter, il faut se documenter, comparer, lire des ouvrages spécialisés, feuilleter des catalogues, analyser les qualités et les prix, surfer sur Internet ou fouiller les archives comme celles de Cgb.fr, bref apprendre et se faire l’œil !

Cgb.fr, les experts de la numismatique

Cgb.fr est la référence de la numismatique en France depuis 1988. Maint fois, son Président fondateur, le numismate de renom – feu Michel Prieur (1955 – 2014) – nous a fait profiter de son immense savoir qu’il avait à coeur de partager, notamment dans des ouvrages numismatiques de référence tels que Le Franc, les monnaies françaises. Il le faisait aussi gracieusement dans le Bulletin Numismatique, que nous prenons toujours grand plaisir à lire chaque mois.

Joël Cornu préside désormais l’équipe d’experts numismates qui décrypte chaque mois l’univers des monnaies anciennes et modernes. Le Bulletin Numismatique regorge d’informations utiles qui permet, à travers de nombreux exemples, d’avoir des notions fort utiles pour se faire une vraie idée des prix du marché des pièces.

C’est parce que nous avons confiance dans leur professionnalisme et leurs connaissances qu’AuCOFFRE.com collabore avec Cgb.fr. Dès que nous avons des questions sur des monnaies, leur cote, leur état ou leurs spécificités, nous faisons appel à eux, y compris pour la fourniture de pièces rares, car on est sûr de leur qualité et de leur traçabilité !

Publications de CGB.fr

LE FRANC 10 : les Monnaies Françaises – édition 2014.

LE FRANC, les Monnaies – édition poche 2017 sous la direction de Joël Cornu

Le bulletin numismatique de cgb.fr paraît le 25 de chaque mois. Accéder au bulletin numismatique n° 164, mai 2017.

 

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Jean-François Faure
Jean-François Faure. Président d’AuCOFFRE.com. Voir la biographie.

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