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Dès qu’une catastrophe naturelle ou qu’un drame écolo-climatique frappe une partie du monde, une nuée d’occidentaux tremblant d’émotion et de bons sentiments se précipitent pour acheter un billet d’avion afin de se rendre dans le pays sinistré. Leur objectif : apporter une aide humanitaire ponctuelle et moralement enrichissante… qui s’avère surtout, le plus souvent, aussi inutile que nuisible. Un marché très lucratif et en pleine expansion sur lequel certains « professionnels » du tourisme n’ont pas hésité à bâtir leur modèle économique.

Samedi 16 avril 2016, la terre tremble en Équateur. 7,8 sur l’échelle de Richter. Les dégâts sont considérables mais, pire encore, les morts et les blessés se comptent rapidement par centaines. C’est alors que sonne le branle-bas de combat dans certaines agences de voyages bien particulières qui commencent à enregistrer les premiers séjours humanitaires de la part de citoyens standards dont la bonne volonté le dispute souvent à la volonté d’accomplir un chemin personnel, une forme d’épanouissement par le secours aux autres. Ces gens, on les appelle aujourd’hui en souriant des « volontouristes », c’est-à-dire des bénévoles qui visitent le monde au gré des catastrophes naturelles, sécheresses et autres drames humanitaires, sous prétexte d’apporter un peu d’aide aux populations défavorisées.

Un marché de la bonne action aux conséquences souvent néfastes

Plus généralement, le volontourisme recouvre également les séjours dans des pays chroniquement sinistrés, le plus souvent en Afrique ou en Asie, qui séduisent désormais plus de 1,6 millions de personnes par an désireuses de vivre « en vrai » l’émission de télé Rendez-vous en terre inconnue présentée par Frédéric Lopez. D’autant qu’une véritable industrie de l’humanitaire s’est créée autour de cet engouement pour les nobles causes, bien loin parfois de l’engagement véritable des quelques milliers de médecins et d’experts qui multiplient les séjours à l’étranger dans le but de RÉELLEMENT changer les choses. Aujourd’hui, le marché du volontourisme représente un peu plus de 2 milliards de dollars par an et s’adresse donc plus spécialement à tous ceux, sans expérience la plupart du temps, qui veulent eux-aussi faire leur petite part de bonne action… et revenir avec plein de belles photos pour leur profil facebook.

Sauf que, de l’avis-même des professionnels et des experts qui travaillent sur place, tous ces « sauveurs du monde » amateurs, bien que pétris de bonnes intentions, font plus de mal que de biens aux pays en voie de développement qu’ils sont censés aider. Ainsi par exemple, nombreux sont celles et ceux qui arrivent, l’œil humide et des sanglots plein le cœur, après avoir vu à la télé ou sur Internet la détresse de petits Africains privés de leurs parents à cause d’un virus, d’une guerre ou d’un cataclysme. Des enfants qui vont, bien évidemment, s’attacher très vite à ces gens qui leur accordent soudain une attention débordante. Et qui vont se retrouver tout aussi brusquement privés d’affection au bout de quelques jours, quelques semaines, quand l’heure de rentrer aura sonné sur le smartphone des humanitaires du dimanche. Des enfants enfin qui vont grandir dans un sentiment d’abandon permanent et de détresse psychologique, et qui nous font nous interroger sur la génération d’adultes qu’ils vont former dans 15 ou 20 ans…

Les conséquences sociales et humaines sont considérables, mais totalement écartées d’un revers de main par les principaux tour-operators du secteur : « Ces gens savent qu’on n’est là que provisoirement, et de toute façon, pour eux, tous les bénévoles se ressemblent. » Un cynisme partagé par les autorités locales dont certaines vont, par exemple, jusqu’à discrètement encourager les orphelinats à maintenir les enfants dans des conditions déplorables pour continuer à attirer toujours plus de bénévoles.

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Quand le complexe du sauveur devient lucratif

Car, on l’a dit, le volontourisme est un véritable business qui surfe avec succès sur la culpabilisation sociale de l’ancien colon européen, le complexe du grand frère protecteur, ou tout simplement le besoin d’épanouissement du jeune individu plein de noblesse qui ne trouve plus chez lui suffisamment de matière pour le transformer en chevalier blanc. Un marché qui a su convertir l’humanitaire en produit rentable, grâce à des agences spécialisées qui vendent des périodes d’aide aux pays pauvres comme d’autres vendent des billets de parc d’attractions, séjour compris.

Coût du fantasme « Sauveur Occidental contre Méchante Calamité Africaine » : entre 700 et 2000 euros pour 2 semaines de bénévolat en immersion dans un pays en voie de développement. Trajet non-compris. Et c’est quasiment tout bénéfice : sur place, les volontaires deviennent une main d’œuvre gratuite, motivée et souvent instruite ; une partie de l’argent tombe dans les caisses d’acteurs locaux qui, compte tenu du niveau de vie, font des profits considérables. Et le reste constitue la marge confortable de ces nouveaux professionnels du tourisme à thème.

La marge, justement, parlons-en. Alors qu’elle est de 2 à 3% dans l’industrie touristique en général, elle atteint facilement les 30 à 40% pour les agences de volontourisme. Et ce n’est surement pas l’hébergement des bénévoles chez l’habitant qui coûte le plus cher…

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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