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La Hongrie est un petit État européen très endetté. En 2012 déjà, tout le monde s’accordait à dire que ce pays grand comme trois fois la Belgique était sur le point de faire faillite. Quatre ans plus tard, sa situation financière ne s’est guère améliorée (elle s’est même aggravée avec la crise qui dure), mais l’Europe a besoin de la Hongrie, en particulier pour accueillir des migrants dont personne ne veut. Alors, Bruxelles s’arrange pour que les institutions hongroises continuent à tenir encore un peu, en commençant par la Banque Nationale de Hongrie. Et honte à vous si vous pensez que c’est une sorte de chantage économique.

Un Premier ministre qui se veut frondeur et indépendant

De son côté, le très controversé Premier ministre Viktor Orban a justement décidé fin 2011 de mettre ladite banque nationale sous tutelle de l’État, afin de reprendre la main sur un fonctionnement interne pour le moins… anarchique. En effet, il semblait plus qu’urgent de réduire le déficit chronique de l’établissement en contrôlant, par exemple, les rémunérations jugées particulièrement excessives de ses dirigeants. Évidemment, la mesure a déplu fortement aux caciques de l’Union Européenne et du FMI qui ont alors crié au scandale face à cette « atteinte inadmissible à l’indépendance de la Banque Nationale de Hongrie« . En réalité, l’indignation n’a trompé personne et tout ce petit monde avait à l’époque surtout très peur que l’exemple hongrois fasse des émules dans d’autres pays d’Europe. On imagine sans peine que la situation serait en effet devenue particulièrement gênante si on avait commencé à poser des questions sur les activités plus ou moins occultes de certaines banques centrales nationales… ou internationales.

Quoi qu’il en soit, indépendamment des efforts réalisés par le gouvernement Orban, la Hongrie est toujours au bord de la faillite, et le Premier ministre semble particulièrement décidé à ne pas céder d’un pouce sur la question de l’accueil des migrants. Condamné à voir son propre peuple plier sous les restrictions, il ne peut pas accueillir plus de miséreux et donc il n’en veut pas, un point c’est tout. Qu’on adhère ou non à sa vision de la solidarité internationale, on ne peut toutefois qu’admirer une telle détermination à ne pas se laisser dicter sa conduite par les instances européennes.

Se protéger des désordres internationaux…

Néanmoins, le Magyar est prudent et Orban se doute bien qu’un retour de bâton est toujours possible. Ainsi, dans le contexte actuel, il n’a pas semblé déplacé à l’actuel gouverneur de la Banque Nationale de Hongrie, Gyorgy Matolcsy (un proche de Viktor Orban) de prendre quelques précautions en vue de « résister à tout désordre national ou international« . Citant la crise des migrants, la montée du terrorisme et les tensions qui couvent dans le pays en raison des graves difficultés économiques traversées par la population depuis des années maintenant, le patron de la première banque du pays a donc décidé cette semaine de renforcer sa sécurité en stockant plusieurs tonnes d’armes et de munitions. En tout, pas moins de 112 armes de poing et plus de 200 000 balles sont venues compléter l’équipement de la compagnie de sécurité interne de la banque, avec comme objectif officiel de résister aussi bien aux attentats qu’aux attaques plus traditionnelles.

… ou d’une population excédée ?

Pourtant, certains esprits chagrins y ont vu également une précaution dans le cas d’un soulèvement populaire qui aboutirait éventuellement à une descente en règle dans les locaux de la banque, comme cela a pu déjà arriver dans d’autres pays, par exemple en Argentine il y a une quinzaine d’années, ou plus récemment en Grèce. Compte tenu de l’image fortement dégradée des banques auprès des populations du monde entier, surtout depuis 2008, de tels soulèvements risquent de devenir de plus en plus fréquents, même au cœur de l’Europe. Et la crise n’est pas la seule en cause, les banquiers eux-mêmes ont du mal à abandonner certains comportements qui peuvent choquer le contribuable moyen, au point de lui donner envie d’attraper une fourche pour y planter une tête ou deux.

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En Hongrie par exemple, la bonne volonté réelle ou simplement affichée du Premier ministre n’aura pas suffi pour lutter contre les mauvaises habitudes des banquiers centraux du pays. Et lors de la publication des chiffres de la Banque Nationale de Hongrie, on a ainsi pu voir que 200 milliards de forints (soit 650 millions d’euros) ont servi, selon les termes de Matolcsy lui-même, à financer des recherches sur des « alternatives aux principes économiques néolibéraux dépassés« , à travers une fondation dont les ramifications restent assez floues. Quelques 100 millions d’euros supplémentaires ont également permis à la banque d’acquérir de nombreuses toiles de grands maîtres et des sommes variables ont été allouées à l’achat de différents immeubles de prestige et autres villas luxueuses. Évidemment, là encore, on pourrait bêtement soupçonner quelques manœuvres douteuses de la part de ceux qui tiennent les cordons de la bourse du pays. Mais il est également possible qu’en prévision d’un possible effondrement des devises, la Banque Nationale de Hongrie ait tout simplement décidé de protéger son patrimoine en investissant dans des biens plus tangibles que le simple papier monnaie. Ce serait donc une simple mesure de sécurité supplémentaire, en quelque sorte. En tout cas, rien n’interdit de le croire…

Finalement, je vais peut-être aller retirer mon argent de ma banque pour le convertir en or ou en tableaux, moi aussi. En espérant que ma conseillère n’aura pas déjà reçu des consignes pour m’accueillir armée d’un fusil à pompe.

 

(Nous présentons nos excuses aux personnes qui auraient été heurtées par l’illustration de cet article. Même si nous réprouvons la violence armée, nous devions toutefois mettre l’accent sur la détermination farouche du banquier hongrois)

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Anthony Alberti
Entrepreneur depuis vingt ans dans le domaine de la communication et l'information stratégique, il a été amené à travailler plusieurs fois en partenariat avec des banques et des assurances, dont la principale matière d'œuvre était constituée de l'argent des épargnants. Peu complaisant à l'égard de leurs pratiques dont il a entrevu les coulisses, il délivre aujourd'hui régulièrement son analyse sans concession (et souvent piquante) non seulement sur les agissements des professionnels de la finance, mais aussi de tous ceux qui, de près ou de loin, se font les auteurs ou les complices des manipulations qui spolient chaque jour un peu plus les honnêtes citoyens.

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